DE L’INJONCTION AU VOYAGE

Par Une Voyageuse Heureuse

Nous n’avons pas vocation à être un journal tout court, mais davantage un journal intime de notre société. Au fil des jours, nous vous proposons donc de plonger dans les réflexions de cette génération qui navigue dans un monde bouleversé, et qui a fait du questionnement son mot d’ordre. Ces chroniques sont des points de vue sur le monde, elles reflètent donc la subjectivité de leurs auteurs et autrices. Elles se veulent intimes, pour regarder les grandes questions par le petit trou de la serrure.

Chaque mois, notre voyageuse heureuse vous emmène dans son baluchon pour repenser le voyage d’une manière durable et humaine. Aujourd’hui, elle vous parle de l’injonction au voyage…


J’ai pris ma décision, ça y est. Je rentre en France. D’ici quelques jours, j’aurai le plaisir de déguster un bon camembert sur baguette. Rien que d’en parler, j’en bave déjà. En attendant ce moment de joie, je voulais parler de ce sentiment que j’ai ressenti et qui m’a poussé à partir au Brésil. 

Je vous ai déjà parlé de ma peur de partir et de voyager seule dans mon billet ‘Une bouteille à la mer’. C’est mon ex qui m’a donné la force de passer à l’action. Il passait des heures entières à me parler de ses voyages, de ses expériences et rencontres extraordinaires. Sur les réseaux sociaux, je suis des centaines de comptes de voyageurs·euses. Le genre de contenu qui te vend du rêve, qui te donne envie de tout plaquer et de vivre d’amour et d’eau fraîche. Donc je suis finalement partie, et je me suis pris une grande claque. Il s’avère que le voyage en backpack (sac à dos), comme mode de vie, ce n’est pas pour tout le monde. 

Je ne dis pas ça pour décourager celles et ceux qui souhaitent voyager, loin de là. Seulement voilà, pour une personne à tendance anxieuse, réaliser tout ça, être sans cesse en mouvement, à devoir découvrir, enchaîner visites et rencontres, ça en devient très vite fatigant. J’utilise le verbe “devoir” car il a toute son importance. J’ai ressenti une si grande pression à devoir réaliser toutes les activités les plus célèbres. Et oui, si tu ne réalises pas le Top 10 Trip Advisor, tu as “raté” ton voyage… 

Le voyage, c’est un choix. Choisir de sortir des cases toutes tracées du tourisme classique et des grands tours opérateurs pour aller vers un tourisme qui nous correspond. Pour moi, il prend son temps et entre en contact avec les locaux. Pour d’autres, le choix est un peu différent. Des personnes qui parcourent toute l’Amérique Latine en avion en seulement 3 mois, j’en ai rencontré… Comment ne pas résister avec des vols à moins de 50€ pour traverser le monde entier ? Puis, on ne va pas se mentir, voir toutes ces personnes profiter de la facilité pour voyager ainsi ça donne envie, on finit par remettre en question ses propres valeurs…

Mais je me demande, à quel moment est-il devenu envisageable de parcourir un continent à cette vitesse ? 

Je me rappelle ce moment dans mon voyage où je suis tombée sur cette trend TikTok qui dit “Ce n’était pas la dépression, c’était seulement [nom de là où tu habites]” en montrant des personnes moroses en France puis vivant leur meilleure vie à l’étranger. D’après Prabhakar Raghavan, Vice-président senior de Google 

“D’après nos études, près de 40 % des jeunes,
            lorsqu’ils cherchent un endroit pour manger,
        ne vont pas sur Google Maps ou Search.
Ils vont sur TikTok ou Instagram. “

Cela montre bien l’importance des réseaux sociaux dans nos prises de décisions actuelles. Alors, lorsque je voyage, si je ne fais pas de plongée, si je ne fais pas des tours en bateau ou ne me fais pas des ami·e·s pour la vie comme sur toutes ces publications TikTok, est-ce que mon voyage en vaut quand même la peine ?

La réponse est bien évidemment OUI. Ce voyage avait pour but de prouver à mon ego que, malgré mon anxiété et mes peurs, je pouvais le faire. Mais je réalise que tout ce que l’on vit en voyage, on peut l’intégrer dans sa vie de tous les jours. Toutes ces personnes heureuses à l’étranger le sont en réalité, car elles ont changé leur manière de vivre au quotidien. Je ne regrette absolument pas d’être partie, néanmoins, avec le recul, je ferais peut-être certaines choses différemment (comme partir avec un répulsif anti-moustique). J’aurais aussi aimé voir des contenus différents sur les réseaux sociaux qui me vendent une réalité et pas l’imaginaire du voyage. 

Moralité de l’histoire ? Comme disait Françoise Sagan (écrivaine française) : « Ce n’est pas parce que la vie n’est pas élégante qu’il faut se conduire comme elle. ». Alors à toi qui te poses peut-être la question de partir à l’étranger sur une courte durée, de traverser de nombreux continents en avion, pose-toi cette question : qu’est-ce que je cherche dans ce voyage, qu’est-ce qui dans l’idée de voyager, me rend vraiment heureux·se ? 

Les poubelles de Paris ne sont pas celles qu’on croit

Par Charlotte Giorgi

La colère gronde, dans les faubourgs. La colère gronde, les poubelles s’accumulent. Quand on est comme moi, comme beaucoup, révolté·e par la manière abjecte dont notre démocratie décline, et par l’indifférence violente d’une partie de la société qui a le malheur de prendre les décisions, alors ce n’est pas les poubelles, qui nous empêchent d’avancer dans la rue vers autre chose.

Paris, 15 mars 2023

            Nous sommes le 16 mars 2023. Le soleil point derrière la tour Montparnasse, qui, obnubilée par les sommets, ne s’attarde pas à décrypter ce qui se joue au sol.

            Au sol, comme d’habitude, des passants pressés, les rayons des premières lumières de l’aube qui se reflètent sur les grandes parois de verre, des klaxons et des vieillards sans abri éveillés par l’odeur du jour.

            Au sol, pas comme d’habitude, des montagnes de déchets, dont certains sont emportés par le vent et déposés aléatoirement aux alentours. Des poubelles éventrées, accumulées, laissées pour compte, des poubelles noires et des poubelles jaunes, des détritus qui volent, qui pourrissent, qui jonchent.

            Les passants les enjambent, la tour Montparnasse regarde ailleurs. Le soleil point sans dire un mot, la journée ne regarde pas en face d’elle. À la radio, pour celles et ceux qui l’allument ce matin-là, on entend pester. Les bourgeois sont insurgés : Paris risque la submersion pathologique, la situation sanitaire est explosive ; bientôt on verra des rats dans le septième arrondissement, où ont-ils donc la tête ?

            Les éboueurs de Paname sont en grève. La réforme des retraites, très peu pour eux.

Le malaise a grandi ces derniers jours chez les nantis de Paris. Car les grèves, on peut facilement les contourner : la boîte envoie un petit mail d’excuse « pardon, mais ce sera télétravail aujourd’hui ! Cadeau : vous n’avez pas à venir jusqu’au bureau et êtes exceptionnellement autorisés à travailler de sous votre couette ». Mais après huit jours à slalomer entre les ordures, même les chaussures de ceux qui ont le privilège de s’en foutre commencent à être souillées.

Les éboueurs de Paname sont en grève, et pour une fois, ça les fait chier, tous ces gens en costume. Leur idée de la liberté se situe dans leur costume justement : le fait de le porter leur donne la désinvolture nécessaire à leur vie confortable, la permission oisive de ne pas prendre part aux tâches les plus essentielles et basiques de la société (produire la nourriture, traiter les déchets, soigner les malades,…) et de les déléguer à d’autres. Eux, seront libres et heureux : ils auront le confort, le confort de prendre les soi-disant « responsabilités », les décisions, le pouvoir, et pourront, après une dure journée de labeur se vautrer dans le plaisir de l’ignorance sociale.

Militer ? Non merci. La lutte ? Un gros mot. Qui a besoin de lutter de nos jours ? Pas moi. Et pour les autres, je ne veux pas le savoir.

Les éboueurs vont peut-être passer leur vie à la gagner, ça ne leur fait rien. Ils n’y croient pas, à ce truc de pénibilité. Les éboueurs vont passer leur vie à la gagner, car leur espérance de vie ne se trimballe pas en costume. La retraite, autant l’appeler la mort. La mort, la seule encore capable d’arrêter la folie des costumés.

Mais les cadres aiment leur travail. Leur costume. Ils singent le sérieux tout en planant au-dessus des masses. Ils ne les connaissent pas. Ce qui les intéresse ? Exploiter leur labeur, quoi qu’il en coûte. Leur faire croire que c’est ça la vie : gagner le droit à en avoir une.

Plus tard dans la journée, on parle de 49.3. À cette réforme, presque 70% des Français·es s’opposent. Mais le gouvernement fait miroiter notre démocratie viciée : l’élection est un couronnement, le vote présidentiel, une fois tous les cinq ans, supplante tous les autres. Le président est élu, point. Au premier tour de cette présidentielle d’ailleurs, il n’avait récolté que 27% des suffrages exprimés. L’abstention, s’élevait, elle, à 26%. Assez de démocratie. Le président est élu, point. Il a le champ libre. Il peut fermer ses oreilles. Il peut se rendre sourd, se vautrer dans un mépris devenu tristement habituel. Il montre aussi la sale habitude qui l’habite : ce qui doit se passer, en France, c’est son plan. Sa stratégie. Son programme. Nos vies, nos espaces de débat doivent s’y conformer. On ne peut pas dévier de la trajectoire toute tracée. Du plan. Pas le temps d’écouter les gens. De faire machine arrière. Pas le temps d’accorder du crédit à cette masse idiote et violente, le président sait mieux. Il a fait des études, il a baigné dans son jus bourgeois et sourd. Les autres n’ont rien compris, les autres doivent suivre le plan, la stratégie.

Ils fonctionnent par mécanique, comme des robots, tous ces gens. Ce sont des drones : ils flottent, habillés de fer, loin du sol et de la réalité des poubelles. La vérité c’est qu’ils sont incapables de réagir quand leur algorithme est programmé pour avancer tout droit et sans encombre et qu’une courbe s’amorce. La population est une variable d’ajustement. Elle n’est peut-être même pas ça.

Que dire de plus que les mots du rappeur Médine, dans un entretien à Politis « La politique de Macron se résume ainsi : j’utilise ton corps de travailleur, je l’essore jusqu’à la dernière goutte et je n’écoute rien de tes revendications. Clairement, le Rassemblement national a le trousseau des clés pour l’Élysée en 2027. Il lui a été donné par Emmanuel Macron et les élus Renaissance » 

La plupart du temps, les bourgeois, engourdis dans leurs chemins tout tracés, leurs idées plus intelligentes, plus fine que celles de la masse qui leur permet d’élaborer leurs plans à grands frais pendant qu’elle trime, ont le luxe de ne pas regarder là où ils mettent leurs pieds. De toute façon, ils écraseront tout sur leur passage.

Aujourd’hui, les déchets que notre société boulimique et malade produit, c’est à eux de les gérer.

Les éboueurs de Paname sont en grève.

Dans l’après-midi, le même gouvernement qui promettait un vote dégaine le 49.3. Ce n’est plus une question politique, c’est une question d’arrogance, d’entêtement abruti : Macron et sa clique n’ont même plus de majorité à l’Assemblée mais restent obnubilés par leur plan, LE plan.

            La droite, qui a donc refusé cette réforme, ne votera pas de motion de censure pour faire tomber le gouvernement. Tout est lunaire, le soleil décline sur les poubelles. Poubelles sociales, ruines politiques.

            De toute façon, ce n’est plus là que tout se joue. Dans la rue, sur la place de la Concorde, spontanément les gens se rassemblent pour ne plus se quitter avant que la colère trouve son compte. « Ça va péter », on lit, sur les pancartes. La politique est là, dehors. Les poubelles accumulées avec la grève servent de barricades, c’est parfait. On y met le feu. La politique reprend son souffle, souffle sur les braises.

            Ça va péter. La masse pense, et pense mieux que vous. C’est elle qui décide, à la fin.

            C’est elle qui vit.

          Ça va péter.

Les chaises dissonantes

Par Enthea

Nous n’avons pas vocation à être un journal tout court, mais davantage un journal intime de notre société. Au fil des jours, nous vous proposons donc de plonger dans les réflexions de cette génération qui navigue dans un monde bouleversé, et qui a fait du questionnement son mot d’ordre. Ces chroniques sont des points de vue sur le monde, elles reflètent donc la subjectivité de leurs auteurs et autrices. Elles se veulent intimes, pour regarder les grandes questions par le petit trou de la serrure.

Chaque mois dans sa chronique La Dialectique du Pet de Rupture, Enthea vous parle de relations, et des enjeux de pouvoir qui les entourent. Aujourd’hui, elle nous raconte l’héritage familial, et la place des femmes autour de la table, leurs chaises disposées pour ne pas déranger, et la dissonance qui vient aussi s’y asseoir.

Illustration réalisée gracieusement pour cette chronique par Aloÿse Mendoza, merci à elle!

« Mets le plus gros plat du côté de ceux qui mangent le plus »

Régulièrement, je mange chez mes grands-parents, en famille. Ma mamy est une personne qui a toujours fait énormément de choses, mais qui commence à être âgée et à avoir des difficultés à garder ses habitudes, à cause de ses douleurs aux mains. Ce détail a son importance, parce que justement…. Dans mon histoire, il n’a pas tant d’importance.

Depuis aussi loin que je me souvienne, ma grand-mère cuisine pour toute la famille, elle y met un point d’honneur, elle met les petits plats dans les grands, fabrique de la décoration, pour que nous déjeunions toujours autour d’une table magnifique. Elle préparait même des repas spéciaux supplémentaires pour mon frère et moi, quand on était petits. La cuisine, c’est une institution. C’est son institution. La boisson, le choix du bon vin, du bon crémant, c’est celle de mon grand-père.

Ça arrive peu mais ça arrive qu’elle parte en vacances avec ses copines, abandonnant la maison au patriarche. Je m’amuse, à l’imaginer jongler avec des casseroles, se tromper dans les torchons à vaisselle, et se perdre dans le frigo. Mais pensez vous. Non. La solution était toute trouvée ; puisque la personne qui cuisine gratuitement n’est pas là : payons une autre personne pour réaliser cette tâche : appelons le traiteur.

Voici le décor de l’histoire, mais ce n’est pas le sujet. Le déclic qui me fait écrire, c’est cette éternelle musique familiale, que l’on rejoue à chaque moment de retrouvailles, et qui commence à me vriller les oreilles.

Nous sommes une tablée de neuf convives, et nous sommes tous valides et suffisamment qualifiés pour savoir débarrasser des assiettes, rassembler les couverts, apporter des plats, remporter ceux-ci quand ils sont vides, changer la bouteille d’eau, prendre le pain au passage… Etc.

Nous sommes 3 femmes : ma grand mère, ma mère, et moi.

Neuf moins trois égal six.

Il y a donc 6 hommes, soit deux fois plus d’hommes que de femmes. Et pourtant, nous sommes seulement trois, les trois femmes de chaque génération, à nous lever pour gérer entre chaque plat le bon déroulement du repas et le confort des convives. Nous sommes également assises côte à côte, sur les trois chaises les plus pratiques pour se lever et aller directement à la cuisine sans déranger. Il ne faudrait pas les déranger. Qu’est-ce qui justifie que nous agissions ainsi ? Ma grand mère a été éduquée dans cette posture, et elle met un point d’honneur à la tenir. D’ailleurs elle est toujours si coquette et si parfaite, que son mari ne l’a jamais vue démaquillée : elle se réveille avant lui pour pouvoir s’apprêter. Quant à ma mère, je l’ai toujours vue à la cuisine, pendant que mon père attend d’être servi, ou part avant d’avoir débarrassé la table. Alors, si j’en ai conscience et que ça m’agace pourquoi je perpétue la tradition ? Au début, c’était instinctif : il y a quelque chose de rassurant à former des « clans », à trouver une place, une identité et une utilité qui fait plaisir à tout le monde. La sensation est valorisante. Mais je ne trouve plus ma valeur dans la satisfaction des besoins d’autrui. Je devrais donc m’arrêter « d’aider » (faire ma part, en fait) et rester à table avec les vrais hommes, boire du vin, et continuer à parler fort comme si de rien n’était ? Pendant que les deux autres femmes de la famille s’agitent pour faire disparaître les preuves du festin, en bonnes petites fées discrètes et efficaces ?

Ne pas prendre ma part ne changera rien.

Mon frère vient parfois prendre/ramener des choses en cuisine avec moi. On discute beaucoup tous les deux, donc il me suit, et propose naturellement une « aide » parce qu’il est gentil. Parce que c’est une « aide » et non pas la place qu’il se sent de prendre naturellement. Parce que pour beaucoup, on « aide » encore à débarrasser la table. On « aide » au ménage. On ne partage pas, on ne prend pas en charge sa part du moment passé ensemble, on « aide » par gentillesse, ponctuellement. Et tout le problème se situe là. La répartition éclatée au sol des tâches domestiques dans un couple influence les interactions en famille. Qui elles-même influencent la construction des couples. Et on tourne en rond.

« Sur une table, il y a 9 personnes. Si toutes les femmes sont occupées à préparer le dessert, qui va faire la vaisselle ?

Blague de Chat GPT, février 2023

Et toi, est-ce tu « aides » ? (1)

(1) Les excellentes BD de Emma Clit sur la répartition des tâches dans les relations : https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/

La chronique précédente d’Enthea : https://motuslemedia.fr/2023/02/18/deterrer-ses-baleines/

La mauvaise fille

Par Charlotte Giorgi

Un peu après le 8 mars, je me suis rendu compte d’un truc. Un truc un peu con. Un truc un peu moche. Un truc qu’on attend des femmes même quand elles s’en sont pris plein la tronche : qu’elles soient de bonnes victimes.

Photo de Nicolas J Leclercq sur Unsplash

            Il y a quelques jours, j’ai vu passer sur les réseaux sociaux, comme beaucoup d’entre nous,  le visage d’Hilona. Son histoire aurait du m’interpeller directement, me sauter au visage.

Hilona, c’est une « fille de téléréalité ».

Par un réflexe inconscient, mon cerveau a décidé de balancer l’histoire qu’elle s’apprêtait à raconter parmi les discours futiles, les faits divers de bas étage. Le mot « violence » qui était parfois associé à la vidéo que je voyais tourner sans prendre le temps de la regarder, ne m’a même pas questionnée.

Et je ne suis pas la seule, féministe, engagée, victime de violence de la part des hommes, à n’avoir pas assimilé Hilona aux autres féministes de sa génération. Ce n’est pas, ce ne sera jamais une Adèle Haenel, bien qu’elles s’inscrivent dans un même élan, dans une même colère qui s’exprime enfin.  

Hilona n’avait pas la chance d’être une actrice de renom. Une journaliste. Une femme sérieuse.

Hilona faisait partie de cette catégorie de femmes que la société croit connaître avant même d’avoir essayé : idiotes, avides de pouvoir et de célébrité crasse, vulgaires. J’ajouterais même peut-être : des corps. Des femmes qui sont exposées, là, dans la petite lucarne, et qui correspondent tout à fait au schéma sexiste, en ne répondant qu’à un seul critère d’exigence de la société : le corps. La beauté « populaire », qu’on ne voit certainement pas dans les grands magazines de mode, celle qui discrédite tout le reste. Des harpies qui crient et gesticulent, mais dont la parole a peu de poids : elles ne sont pas là pour ça. Des femmes comme le patriarcat les affectionne et les fabrique. Des femmes dont, avant même qu’elles aient ouvert la bouche, on sait qu’on ne les écoutera pas.

            Toute féministe que je sois, je n’échappe pas à la bête et méchante règle. La vidéo d’Hilona, exemple foudroyant d’un cas de violences conjugales, je vais mettre une semaine à la regarder, et encore, parce que je m’ennuie un peu et que je voudrais tuer le temps en me délectant d’une énième crise de couple de célébrités.

            Sauf qu’il est loin de s’agir d’un crêpage de chignon. La vidéo d’Hilona est courageuse, brillante, juste. Elle s’y livre en détail, après avoir longtemps gardé le secret (alors que sa vie est scrutée quotidiennement par des milliers de personnes), sur les violences qu’elle a subies de la part de son ex-compagnon, Julien. Le schéma classique est déroulé sous nos yeux par la voix déterminée et émue de la jeune femme : violences psychiques, physiques.

            Mais surtout, surtout, Hilona décrit avec une grande précision les angles morts. Les choses pas assez grandiloquentes pour une lutte de cette ampleur : les changements de comportement constants, au point de devenir folle, les proches qui n’y voient que du feu ou n’assemblent pas ensemble les moments de folie décousus, l’espoir qui rend aveugle plus encore que l’amour, la peur de le perdre, lui, celui qui agresse et menace, parce qu’il est, malgré tout, celui dont on est tombé amoureuse.

            J’ai regardé l’enchaînement des vidéos. Une longue heure, allongée dans mon lit, incapable de reprendre mon souffle pendant que je subissais l’uppercut de la violence partagée, banale. J’ai reconnu beaucoup de choses dans l’histoire qui m’était racontée, et les détails m’ont sauté au visage, pour une fois qu’ils étaient dits. Pour une fois que la sincérité, courageuse et qu’on ne peut pourtant jamais exiger, déliait à voix haute les nœuds et la complexité de la violence. Sans binarité, sans schéma tout fait.

            Parce que ce serait trop simple de pouvoir faire la lecture de ces affaires avec une grille méchant ou gentil dans laquelle classer les protagonistes. Ce serait trop facile, de pouvoir établir que la seule connexion entre la femme battue et l’homme violent, c’est une situation d’abus perpétuel, de Mal. Je sais bien, qu’en tant que féministes, nous pensons bien faire en répétant à l’envie que « ce n’est pas de l’amour », mais quand on ne l’a pas encore compris, quand on est amoureuse et violentée, alors vers qui se tourner si le mouvement féministe n’intègre pas cet imbroglio de sentiments qui fait la réalité de ces relations malsaines ?

            Qu’une Hilona, avec cran et honnêteté raconte son cheminement ambivalent, les liens indéfectibles qui lieront toujours son histoire à celle de son agresseur, et exprime de manière concrète et implacable que « le jour où je parle c’est terminé pour toujours », c’est un témoignage ultra précieux qui nous est livré. Car oui, c’est là que se trouve tout le paradoxe de l’emprise et de la violence : on ne veut pas forcément qu’elle s’arrête. On préfère se creuser jusqu’à l’os, ronger tout ce qu’il reste, on préfère tenter, encore et encore et encore, on préfère parfois espérer jusqu’à la mort.  

            C’est à ce moment-là, celui où arrive la complexité des choses, qu’Hilona devient, dans la culture commune, « une mauvaise victime ». Une victime qui l’a un peu cherché, en plus d’être déjà une simple fille de téléréalité, une victime qui n’en était pas juste une mais qui s’est impliquée dans son histoire au lieu de la fuir, les bleus au visage, comme la femme battue qu’on se figure et que l’on a envie d’aider.

            De la même manière, une femme qui aurait rendu des coups, une femme qui aurait cédé à l’implosion de ses nerfs en devenant irritable, dure, froide, n’est plus crédible. Elle sort du champ acceptable. Pourtant, n’importe qui peut se figurer que nos réactions à la violence ne sont pas toutes les mêmes, et qu’elles peuvent être exécrables, parce que les femmes ne sont pas juste des martyrs, mais aussi des êtres humains fonctionnels. On notera au passage que la même vague de discrédit s’est abattue sur Amber Heard, avec la poussée des nombreux masculinistes pour qui le procès qui l’opposait à Johnny Depp était une façon de contre-attaquer #MeToo cinq ans plus tard, était une occasion en or de montrer que les femmes sont des menteuses. Amber Heard n’était pas une bonne victime, et l’opinion, pourtant baignée dans le contexte post #MeToo, s’est régalée du festin atroce.

La vidéo d’Hilona est un uppercut, parce qu’elle laisse à voir tout cela, avec la transparence de tout le cheminement. Elle permet à des milliers de jeunes femmes qui ne se reconnaissent pas dans les féministes parfaites, dans les victimes impeccables, dans la beauté lisse des témoignages qu’elles ont entendus jusque-là, de réaliser, d’aider, de comprendre. Elle nous permet à tous et toutes de voir la réalité des violences en face, au-delà des fantasmes et de l’imaginaire ultra simplifié qui nous enveloppe et nous trompe.

Mettre du vernis sur tes ongles

Par Charlotte Giorgi

À propos d’une rencontre inopinée dans les dédales de l’algorithme Facebook, lui qui ne fait pas la différence entre les vivants et les morts. Et si nous en prenions de la graine et en tirions quelques leçons sur notre rapport à la finitude ?

Photo de JF Martin sur Unsplash

C’est par hasard que je t’écris. À toi, en particulier. Je t’avoue qu’il y a quelques mois que je n’ai pas pensé à toi. Ce n’est pas une confession, j’ai juste l’impression de devoir être honnête. On ne parle pas souvent, toi et moi. Et puis, tu n’as pas de droit de réponse, alors je crois que je te dois au moins la sincérité.

Je n’ai pas pensé à toi parce qu’il n’y a pas beaucoup de place dans le monde des vivants pour les gens comme toi, ceux qui ont basculé de l’autre côté. Je sais que tu le sais, puisque tu as été à ma place.

Ce que je veux dire, c’est que nos sociétés tiennent leurs morts à l’écart. Leurs disparus : ça veut bien dire ce que ça veut dire. J’ai lu il y a quelques temps un article où un monsieur réunionnais racontait que ses filles mettaient du vernis sur les ongles de leur grand-mère décédée lors de sa veillée funèbre. En métropole, c’est impensable. Ça m’a paru lunaire. Fou. Comme si la mort pouvait nous attraper à son tour. Comme si la mort était contagieuse. Alors oui, ces mois-ci je n’ai pas cherché ta tombe dans un cimetière éloigné et désert qui ne te ressemble pas, qui ne ressemble à rien de ce que tu as été.

            Non, c’est par hasard que j’ai croisé ton nom sur Facebook. C’est justement cette inhabituelle proximité, cette porosité infranchissable entre le passé et le présent qui m’a replongé dans ce monologue intérieur dont j’ai l’impression qu’il t’est destiné. J’invitais des gens, mes amis, à un évènement Facebook. L’algorithme ignorant me proposait des noms, et je cliquais machinalement : « inviter ». Inviter, inviter, inviter. Et puis, tout d’un coup, ton nom. Un moment de sidération.

            Parce que tu es morte. Je ne peux pas t’inviter, je ne peux plus, tu n’es plus là. La coupure nette entre le passé et le présent s’est imposée à moi, violente et intransigeante.

            Ici, dans ma culture, on ne peut inviter aucun mort aux évènements. Après l’enterrement, la possibilité de passer du temps avec nos chers décédés n’est plus possible. Ça ne nous viendrait pas à l’esprit.

            J’ai réalisé que cela me rend triste. J’envie ces autres mondes, où la vie et sa fin forment un continuum, où il n’y a pas de rupture nette mais des suites, des étapes, des changements. Je les envie pour les fêtes qu’ils continuent de célébrer avec les personnes qu’ils ont aimées et qui restent là, parce qu’ils croient aux esprits, aux fantômes, aux dieux. Toutes ces choses que l’on méprise parfois tout en oubliant qu’elles représentent toutes des moyens de ne pas subir la réalité assommante que nous prenons pour seule vérité. Ici, notre rationalité à toute épreuve crée aussi notre terreur des choses qui nous dépassent. La mort, par exemple, dont nous préférons nous dire qu’elle anéantit et clôt le chapitre à tout jamais.

            Je me souviens même avoir eu peur du mot, enfant. L’avoir trouvé au détour des pages d’un livre et m’être forcée à le regarder, à décrypter la forme des lettres qui se déployaient sous mes yeux, et essayé par-là d’en capturer le concept. La mort ne rentre pas dans les cases que nous construisons pour comprendre le monde, pour lui donner un sens. Nous choisissons donc régulièrement une sorte d’amnésie collective, qui nous met bien en peine de continuer à tisser des liens – par tout un tas de moyens que nous n’utilisons pas – avec celles et ceux qui se sont endormis.

            Je ne t’ai pas invitée à mon évènement Facebook. J’ai été faire un tour, simplement, sur ton profil, curieuse. Il n’a pas changé. Le dernier message en date : celui de ton fils, qui annonce que tu nous as quittés.

            Je ne suis plus triste, aujourd’hui. Mais je prends notre collision de tout à l’heure sur le grand internet pour quelque chose de très sérieux, un signe, au-delà de toute raison. Je m’autorise à y puiser du réconfort, une source de liens, une continuité dans ma relation avec toi. Je me trouve un peu ridicule, mais je crois qu’il n’y a rien de plus digne et convenable que qu’entretenir de bons rapports avec la finitude.

Je crois qu’autour des discussions sur l’euthanasie par exemple, notre société tient entre ses mains le début de la pelote de laine que nous pourrions dérouler pour entretenir une nouvelle relation, plus fluide, moins traumatisée, à la mort. J’espère que nous saurons bientôt, comme tant d’autres peuples, inventer des manières de vivre avec vous, vous qui êtes partis, mais qui, j’en suis sûre, ne nous avez jamais quittés.

Les têtes sans corps

Par Charlotte Giorgi

Pour ce billet de la semaine, j’ai envie de vous raconter comment, après des années à esquiver tout rapport avec mon corps, je me suis retrouvée à avoir de grandes réflexions sur la santé en flottant au milieu d’une piscine que j’avais passé ma vie à fuir. Tout d’un coup, j’avais un corps.

Photo de Marcus Ng sur Unsplash

Je ne comprends pas ceux qui ferment les yeux. Moi je regarde le plafond défiler, les reflets de l’eau s’y jeter par petits faisceaux scintillants. Je me fais de drôles d’observations. On regarde rarement les plafonds. Qu’est-ce qui fait qu’ils ne nous tombent pas dessus, tout d’un coup ?

Je ne comprends pas ceux qui ferment les yeux. Sauf quand ma tête rencontre allègrement les pieds du nageur de devant. Ça m’étonne : je suis plutôt pépère, en termes de rythme. Mais enfin, me voilà obligée de passer du dos crawlé à la brasse, soucieuse de voir le prochain obstacle. Dans cette position, mes oreilles sortent de l’eau, et l’espèce de flottaison de fœtus dans laquelle je rêvassais se brise sur l’atmosphère chlorée et résonnante de la piscine de Montparnasse.  Cette dualité me ravit. Enfoncer la tête dans le silence de l’eau, et la ressortir au milieu des musiques vaguement électrisantes du cours d’aquagym. Je vais à la piscine en même que les mamies, systématiquement à la même heure que leur cours d’aquagym. Je finis par en reconnaître certaines.

            Je jette un œil à la grande pendule, au milieu des bassins. Elle est désormais sur ma droite, c’est que j’ai progressé. Le bassin de l’autre côté, c’était au début. Au début, quand, je ne sais plus vraiment pourquoi je m’étais traînée jusqu’à cet endroit qui m’avait toujours paru être un petit bout d’enfer sur terre. Le corps engoncé dans un maillot trop serré après les vêtements amples de l’hiver, à slalomer, pieds nus, entre les cheveux sur le sol et les carreaux glissants pour se rendre à la douche, toujours trop froide, au milieu de tous ces corps rendus obscènes par la lumière bleuâtre.

            Je n’ai jamais été sportive. Parce que, entre autres, j’ai toujours éprouvé très violemment la norme qui régit les corps, et compris assez vite qu’on attend la même chose de corps tous différents. Je ne nie pas que nos enveloppes de peau et de muscles sont de grands têtus, et capables d’augmenter fièrement leurs aptitudes avec les bons exercices. Je ne nie pas non plus la nécessité, pour tous les corps, d’être et de demeurer en bonne santé. Mais l’état de santé n’est pas le même pour tous. Le fait que la société ne l’ait toujours pas compris m’a fait détester tout ce qui ressemblait à une activité physique pendant la majorité de ma vie. Heureusement, il me reste encore un tas d’années pour aller fendre l’eau à Montparnasse. Sans exigence aucune, avec mon corps, tel qu’il est aujourd’hui, capable de ce qu’il peut maintenant, sans jugement, sans pression. Avec un seul désir : aller bien. Aller mieux. Reconstruire mon rapport à moi-même, à ma santé.

Une psy m’avait dit un jour une phrase violente et très juste, qui résonne encore en moi des années après : « votre problème, c’est que vous n’êtes qu’une tête. Vous agissez comme si vous n’aviez pas de corps.« 

Combien d’entre nous sont des têtes sans corps ? Beaucoup, je crois, dans notre société impitoyable. Pour des tas de raisons.

Mais à la piscine aujourd’hui, il y a juste ce corps, que je réapprivoise, doucement, avec tendresse, quand il est soutenu par de l’eau tiède et désinfectée à l’outrance.

            Un rapport est sorti cette semaine. Il indique qu’un Français sur deux est en situation d’obésité ou de surpoids. Ce taux a doublé de manière très inquiétante en l’espace de 30 ans en France, plus rapidement que dans d’autres pays d’Europe.

            Mais je ne crois pas, comme le pensent encore trop d’entre nous, que les fautives soient les femmes qui promeuvent l’acceptation de soi, et dont les corps, auxquels enfin la majorité d’entre nous pouvons nous identifier, fleurissent sur les réseaux sociaux.

            C’est un état de fait : nos corps existent, au 21e siècle, avec les cellulites, les bourrelets, les imperfections en tous genres. Oui, nos corps, aujourd’hui, et j’en veux pour preuve ce rapport, sont pour la plupart en surpoids. Les femmes qui le montrent ne font pas la « promotion de l’obésité », comme on l’entend si souvent. Elles rétablissent notre perception des choses. Je n’ai jamais entendu aucune d’entre elles dire que l’obésité ne provoque pas de problèmes de santé. Jamais.

Ce qu’elles font, purement et simplement ? Dire à des milliers de femmes qu’exister est normal. Que pour être représenté·e dans l’espace médiatique, nous n’avons pas besoin d’être en pleine santé. Comment se fait-ce que nous voyions si peu de corps comme les nôtres au quotidien ? Et en quoi cet effacement est-il censé nous donner envie de soigner notre corps, notre santé, plus que nous inciter à disparaître, littéralement ?

            Nous viendrait-il à l’esprit de cacher une personne atteinte de dépression ? Un fumeur ? Une personne atteinte d’un cancer ? Non.

Mais pour le corps des femmes, encore, les exigences sont différentes. Nos corps sont soit des réceptacles à enfants, auquel cas les courbes sont acceptées, soit des porteurs de désirs. Pour nous, pas d’autres options. Encore en 2023.

            Alors oui, c’est certain, c’est plus facile de blâmer les femmes, toujours. Plutôt que de blâmer la société dans laquelle nous vivons : sédentaire jusqu’à la déraison, dont la réussite sociale dépend du temps que l’on passe plombé·es devant un ordi. À courir après le temps qui ne nous laisse pas le loisir de nous reconnecter à nos corps autrement que dans des salles de sport aseptisées dans lesquelles nous ressemblons davantage à des hamsters qu’autre chose. Le coût de la vie aussi, qui explose, la misère sociale qui nous précipite vers les repas industriels et rapides sur lesquels se gavent les entreprises. Le stress, le dévissage mental généralisé des années post-covid, guerre en Europe, crise climatique.

            La question de l’obésité et de surpoids est une question politique, une question de société liée à nos manières de vivre, d’être comprimé·es, sans arrêt, entre l’accélération des choses et l’errance sociale et politique.

            Dans cette société, le fait que j’aie, un peu par hasard, trouvé le chemin de la piscine de Montparnasse est un petit miracle d’émancipation. En aucun cas une question de développement personnel. Mais je suis la preuve qu’il est possible de retrouver ces chemins vers nos corps, vers la santé, vers le bien-être, en s’émancipant plutôt qu’en s’enchaînant aux normes inatteignables qui se targuent de reposer sur des besoins de santé publique.

            Le mien menait à la piscine, où je n’aurais jamais cru remettre les pieds un jour. Et le vôtre ?

Redéfinir le travail

Par Jonas

Cette saison, l’équipe de rédaction de Motus s’est étoffée. Nous n’avons pas vocation à être un journal tout court, mais davantage un journal intime de notre société. Au fil des jours, nous vous proposons donc de plonger dans les réflexions de cette génération qui navigue dans un monde bouleversé, et qui a fait du questionnement son mot d’ordre. Ces chroniques sont des points de vue sur le monde, elles reflètent donc la subjectivité de leurs auteurs et autrices. Elles se veulent intimes, pour regarder les grandes questions par le petit trou de la serrure.

Dans sa chronique Tout travail mérite sa laisse, Jonas nous propose une réflexion sur le travail, et c’est d’actualité.

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Mon dernier boulot, c’était prof de ping-pong. Oui, ça me fait encore parfois bizarre de l’écrire mais pourtant… 

C’est notamment grâce à ce métier que j’ai commencé à ouvrir les yeux sur les barrières symboliques qu’on essaye de construire entre le salariat et le loisir, entre la passion et le labeur, entre l’argent et le bénévolat. J’ai toujours senti qu’il y a comme un fossé entre ce qui est dur, fatiguant et digne de rémunération face à ce qui est drôle, récréatif et pour lequel on doit même dépenser de l’argent. 

Mais alors le travail, c’est quoi au juste? 

Son origine déjà, fait débat. De nombreuses sources relèvent le lien avec le terme latin tripalium, un instrument de torture constitué de trois pieux. Bien que savoureuse autant qu’effrayante, cette racine latine est loin de faire l’unanimité chez les historiens comme chez les sociologues.
Plusieurs autres hypothèses sont soulevées sans toutefois arriver à un accord unanime. On évoque notamment le latin trabs qui signifie poutre et pourrait marquer l’action de contraindre. 

Le préfixe tra- du latin tran– revient souvent et marque l’idée de passage d’un état à un autre.
Mais le mot anglais travel pourrait aussi venir d’un vieux français marquant là le déplacement ou le fait de faire un effort pour atteindre un résultat.

Marie-Anne Dujarier, sociologue et autrice de Troubles dans le travail, retrace l’utilisation du terme et remarque que jusqu’au 11e siècle, le concept même de travail n’existe pas. C’est donc au début de Moyen-Âge qu’on définit le travail comme étant l’action de faire quelque chose, l’effort, la peine qu’on se donne. Vers la fin du Moyen-Âge (au 14e), le mot va servir à définir le résultat de quelque chose, on dira des artisans qu’ils font du beau travail. Et puis un troisième usage arrive durant le 16e siècle avec l’idée que le travail est synonyme de gagne-pain, d’emploi comme on le confond encore régulièrement. Ces trois usages sont encore la source de nombreux quiproquos.

Marie-Anne Dujarier va notamment se servir des dictionnaires pour analyser l’évolution du mot et si l’on cherche à l’heure actuelle dans le Robert, les deux premières définitions du travail alimentent l’incompréhension, voyez plutôt : 

  1. Période de l’accouchement pendant laquelle se produisent les contractions. Femme en travail. Salle de travail. 
  2. Ensemble des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est utile ; activité productive d’une personne. ➙ action, activité, labeur ; travailler. Travail manuel, intellectuel. L’organisation du travail. Avoir du travail.

Une des premières grandes vagues de revendications face au travail et son impact sur la société est effectivement venu de la part des féministes à la suite des mouvements de mai 68. Le travail domestique, comme on le nomme couramment, consiste à s’occuper de la maison et ce, sans la moindre contrepartie financière. On perçoit sans ambiguïté le cœur du problème. Qu’est ce qui est “digne” d’être un travail et qui le décide? 

Cette première grande vague de réflexions et de contestations lancée par les femmes et rapidement suivie par les autres minorités, artistes, bénévoles, handicapés, malades, etc. va se prolonger au début de notre siècle suite à la révolution numérique. 

Plusieurs nouvelles questions se posent en effet pour arriver à compartimenter le travail et ce qui ne l’est pas. Prenons l’exemple du télétravail, à partir de quand sommes-nous effectivement en train de travailler? Et lorsqu’on parle de nos pratiques, à travers des séminaires ou des temps de discussions, est-ce encore du travail? Plus subtil encore, comment quantifier le travail des robots (et même des animaux) qui, indéniablement, travaillent à nous faciliter la vie? Regardez aussi le rôle des caisses automatiques qui ont supprimé le travail de caissiers pour le déléguer aux machines et aux consommateurs.

Autant de questions auxquelles il est impossible de répondre de façon tranchée mais qui illustrent la complexité d’un terme fourre-tout qu’on utilise à toutes les sauces.

Faut-il alors bannir le (mot) travail? Questionnement central pour lequel il me semble indispensable d’adopter une attitude quasi schizophrénique qui consisterait à la fois à banaliser le terme et à le sacraliser en même temps! 

Sans préconiser une révolution lexicale, je souhaite une société consciente de l’usage du terme, une société qui accepte le travail sous toutes ses formes, sans le confondre avec l’emploi et qui accepte enfin les personnes dont la productivité ne s’affiche pas avec fierté. 

Socialement et économiquement, la révolution est en cours, le salariat décline et les auto entrepreneurs en toute sorte cassent les codes sans pourtant bénéficier des avantages garantis aux contrats stables. Si notre modèle prend l’eau, il est peut-être temps de rebâtir un nouveau contrat social qui serait basé, non plus sur le salariat, mais sur la citoyenneté et le rôle que l’on joue dans la société.



Sources

https://www.penserletravailautrement.fr/mf/2016/09/tripalium.html

https://blogs.mediapart.fr/flebas/blog/240316/l-arnaque-de-l-etymologie-du-mot-travail?fbclid=IwAR1UBsqWCCvzaXgrsDmCY7UnyIzSm3Wxy-bvsfpJ0msoKfY1p5h4XifHWJk

http://www.travaillermoins.fr/

Pour reprendre Tout travail mérite sa laisse depuis le début :

Déterrer ses baleines

Par Enthea

Cette saison, l’équipe de rédaction de Motus s’est étoffée. Nous n’avons pas vocation à être un journal tout court, mais davantage un journal intime de notre société. Au fil des jours, nous vous proposons donc de plonger dans les réflexions de cette génération qui navigue dans un monde bouleversé, et qui a fait du questionnement son mot d’ordre. Ces chroniques sont des points de vue sur le monde, elles reflètent donc la subjectivité de leurs auteurs et autrices. Elles se veulent intimes, pour regarder les grandes questions par le petit trou de la serrure.

Dans sa chronique La Dialectique du Pet de Rupture, Enthea nous emmène dans les méandres des relations et des réflexions qu’elles amènent. Elle a du mal à écrire, ce mois-ci. Et ça ne l’a pas empêché de l’écrire pour vous raconter, car ça fait toujours drôle de se prendre les pieds dans les sujets de ses propres chroniques. Ce mois-ci, elle vous parle donc d’honnêteté avec honnêteté, mais aussi de prendre des postures qui ne sont pas les nôtres, de se mentir à soi et de mentir aux autres… En espérant que sa sincérité puisse résonner en vous, peu importe comment vous comprenez ce billet très intime.

Illustration par Aloÿse Mendoza

Ce mois-ci, c’était compliqué. J’ai commencé plein de sujets d’articles. J’ai réfléchi et écrit sur la manière dont les relations libres sont un pare-feu pour éviter de morfler. Puis j’ai recommencé un document sur l’évolution des relations : en une centaine d’années, nous sommes passés des annonces maritales dans les journaux locaux, à Tinder et aux dickpick en air drop. Ça rend fou, tout ça. J’ai plein de choses à vous dire, en fait j’ai plein de textes inachevés qui attendent que j’en comprenne le sens, avant de les laisser voir le jour.

Mais parfois je bloque sur cette chronique. Parce que, tout ce que vous lisez ici, je le rédige avec mes tripes, avec mes larmes parfois, avec mes angoisses souvent, et bien sûr toujours avec beaucoup d’amour.

Et au-delà de la recherche, de l’idée d’approfondir des réflexions, cette démarche me demande quelque chose de parfois un peu violent : le maximum d’honnêteté possible. (et donc, courage.)

Ça faisait deux semaines que je n’arrivais plus à griffonner plus de 4 lignes. Je n’en comprenais pas la cause jusqu’à ce soir. C’est venu d’une pensée anodine, qui s’est répercutée en échos sur plusieurs souvenirs, jusqu’à sonner comme une réponse : je ne suis pas honnête en ce moment.

Pour des raisons qui m’échappent. Mais ce que je sais, c’est que j’ai un incroyable talent : je peux tout faire disparaître sous un tapis. Des petits mensonges ou des problèmes de la taille d’une baleine, ou de tout le reste de l’écosystème aquatique. Je peux gérer ça encore plus efficacement que la pêche au chalut négocie les fonds marins.

Génie dans l’art de la fourberie, parce que le mensonge c’est le pouvoir, et la vérité c’est la vulnérabilité.

C’est nulle comme phrase.. Et c’est encore plus nul que parfois, ce soit les bases sur lesquelles on décide de construire des relations.

La fourberie, ça n’est pas forcément la grosse trahison. Ça n’est pas forcément l’information scandaleuse. C’est ce mensonge par omission qu’on laisse glisser par confort, c’est celui dont on aime dire qu’il ne concerne que nous. Mais pas tant, en fait. C’est confortable d’oublier que l’on a un impact sur les autres.

Et puis, c’est ce qui permet de garder un ascendant, parfois. On en revient au pouvoir. Toujours.

Il y a sans doute mille raisons de souhaiter ce pouvoir. Mais ça me tracasse, parce que la domination, les rapports verticaux, la manipulation, c’est plutôt des choses que je veux éloigner de ma vie.

…Mais voilà, quand ça m’arrange, je mets les pieds dedans, c’est ça ?

Un peu, visiblement. C’est futé, de garder ses sentiments pour soi, qu’ils soient doux, ou aigres, dès lors qu’ils n’appartiennent qu’à nous, ils restent des ingrédients et des outils qui servent l’image que l’on veut renvoyer. 

Il ne va pas en ressortir grand chose de bien, de mes impostures. A plus forte raison si je continue à fabuler avec un tel détachement. J’te jure, si mon mensonge était un être humain ça serait un petit gars avec une casquette nulle qui sifflote en balayant des feuilles, ses écouteurs dans les oreilles. Un gars hyper détaché, quoi.

Alors j’ai regardé le passé pour essayer de comprendre. J’ai remonté le temps, de plusieurs années en arrière, jusqu’à maintenant. Et je n’ai vu presque que des jeux de non dits. Volontaires, ou non. Envers soi-même, envers et de la part d’autres personnes. On ne dit rien, parce qu’une fois que les mots sont lâchés, ils ne nous appartiennent plus, et pire encore, ils peuvent être des armes. Et puis parfois on a besoin de se convaincre soi même, on préfère projeter ce que l’on souhaite être, plutôt que la réalité crue, et pas si incroyable. Pour peu qu’en plus, ça arrange tout le monde…Est-ce que ça n’est pas mieux ?

J’ai envie de dire qu’il y a bien plus chouette que le mensonge. J’ai envie de croire qu’être la plus intègre possible, dans la transparence et la vulnérabilité, c’est ce qui m’apportera l’épanouissement.

Mais puisqu’on se dit tout… Je vous le souhaite fort si ça vous chante, mais pour ma part, je ne suis pas encore sûre d’être assez solide pour lâcher les postures qui me protègent de me faire casser les dents, si je baisse la garde.

Donc… je perpétue un jeu qui m’épuise.

Mais je vais aller voir ce type détaché qui joue avec les feuilles, là, et qu’il m’aide à balayer devant ma porte pour déterrer des baleines.

LE SALON

Par Charlotte Giorgi

À propos d’un salon de coiffure qui subsiste au milieu de ce siècle destructeur, et de toutes les jolies choses que cela peut vouloir dire.

Photo de cottonbro studio sur Pexels.com

            Elle tourne autour de moi, ses grands ciseaux, son peigne, la pince pastel coincée entre les dents. Virtuose. Ses mots m’enveloppent, m’atteignent plus ou moins bien selon l’insistance des sèche-cheveux en arrière-plan.

            J’ai toujours beaucoup admiré les coiffeuses. Je l’écris au féminin, parce qu’elles sont des femmes pour l’écrasante majorité.

« La France compte plus de salons de coiffure que de boulangeries. Ils sont tenus par des dames plutôt que par des messieurs même s’ils portent des noms franchement masculins : Jean-Louis David, Jacques Dessange, Jean-Marc Maniatis ou Franck Provost. » peut-on lire dans Les Echos.

Leur dextérité, leur légèreté de geste, la profondeur de leur métier dont on se moque si volontiers.  

Je me sens toujours un peu gauche, un peu idiote, vissée sur ma chaise alors qu’elles s’activent, vives, rapides, efficaces, autour de ma chevelure fatiguée. Je me sens peu soigneuse, enivrée soudain par l’odeur des soins en tous genres, mêlés à leur parfum.

            Mais je m’émerveille aussi du lieu, le salon de coiffure. J’y ai tant été qu’il ne me manque pas quand je n’y suis pas. Pourtant, il suffit que j’y mette un pied pour me rappeler comme j’aime ces ambiances, dans le salon. Celui de la ville dans laquelle j’ai grandi, dans lequel se sont déroulées la plupart de mes révolutions capillaires, est assez central, et entouré de larges baies vitrées qui le baignent de lumière. Il se trouve au cœur de la ville, à l’endroit stratégique où peuvent se nouer les discussions, les pensées communes, les rires locaux. Les coiffeuses parlent. Les passants marchent de l’autre côté des baies vitrées, leur baguette sous le bras. Ils vont à la pharmacie, ou à l’épicerie du coin. Ils saluent d’un geste les coiffeuses qui s’activent. Je m’y sens partie d’un tout. Je m’y sens partie d’une certaine communauté, et pour une Parisienne, ce n’est pas rien. J’ai l’habitude ma vie d’électron libre, parfois volontiers et parfois en sentant bien que l’on a perdu une composante essentielle de la vie en chemin, alors j’oublie qu’il existe encore des endroits où l’on tutoie, où l’on se moque gentiment de toi, où l’on te connaît, vraiment, d’une manière désintéressée, pas seulement marchande, juste humaine. Des endroits qui ressemblent à la paix, et aux liens. C’’était mon rêve d’enfant, d’ailleurs. Vivre dans un village où il se passe sans cesse quelque chose puisque tu as la possibilité d’être en interaction avec tout le monde. Où tu peux aller voir la porte à côté si tu t’ennuies, et demander qu’on t’aide à changer une ampoule ou à déboucher ton évier. Où tu es au milieu de la vie, toujours. Pas juste à t’activer à sa périphérie. Fantasme d’urbaine, peut-être. Mais que je retrouve, bien palpable, au salon.

            Les coiffeuses parlent, peut-être parce que ce sont majoritairement des femmes, et que c’est ce qu’on encourage les femmes à faire, après tout. Ce sont elles qui tissent les fils qui relient, qui ouvrent les boîtes de pandore, qui passent le peigne dans les sacs de nœuds, dans tous les sens du terme.

            C’est cela, aussi, que j’ai toujours admiré. Moi, timidement engoncée dans mon siège, la serviette autour du cou. Elles, sincères inquisitrices, pro de l’intelligence relationnelle qui fait tant défaut à notre monde. Le salon de coiffure comme l’un des seuls lieux professionnels où il est encore possible de discuter sincèrement, avec un peu trop de points d’exclamation peut-être, parfois une lèvre qui se soulève de manière exagérée, mais c’est tout. Un endroit de discussions coincées entre deux tâches, et qui pourtant n’ont pas cédé aux sirènes des conversations convenues qui ne grattent que la surface superficielle des gens.

            Ce jour-là, je me suis laissé bercer, comme à mon habitude, par les débats jetés au travers de la pièce. Et mon cerveau est parti en digression… Quand on y réfléchit, dans nos sociétés aseptisées, robotisées, isolantes, il existe peu d’endroits avec un potentiel politique plus grand que les salons de coiffure, dans lesquels la parole est libérée, décomplexée par le bruit des rasoirs et autres ustensiles, et par l’apparente futilité du lieu. Rien de futile ici pourtant. Mardi dernier, j’y ai passé quatre heures, l’idée de me blondir jusqu’au blanc comme une retraite anticipée ne m’ayant pas quittée depuis plusieurs mois jusqu’à aboutir à une logique mise à l’exécution. Pendant des heures, j’ai donc pu assister à l’arrivée, au séjour et au départ de chacun des clients du salon, et écouter leurs conversations. Ici, une retraitée habituée, acculée par la hausse des prix, mais qui ne lâche pas son dernier plaisir : les reflets roux de ses cheveux grisonnants. Là, une mère accompagnant son enfant, un petit cœur de dix ans à peine, défiguré par ses camarades de classe. Mais aussi un père guindé et un père gêné, un jeune pompier qui travaille la nuit, et une dame qui parle fort.

            On se demande souvent à quoi bon le local, à quoi bon toutes ces valeurs qui ont l’air de choses de bobos. Voilà : à ce que des endroits, au milieu de nos villes tourmentées, subsistent pour faire lien. Des places où l’on cause, et où les mots se déplient, comme une thérapie de groupe. Des centres dans lesquels les marges peuvent venir se réfugier, trouver de la solidarité, se rappeler que l’entraide existe encore, que les gens se parlent et peuvent s’allier, que rien n’est futile, qu’on peut créer ensemble nos conditions d’existence, si l’on préserve les commerces de proximité, les centres-villes, mon salon de coiffure.

            Il fait partie de ces lieux, aussi ordinairement oiseux et négligeable qu’il paraisse, aussi frivole et insignifiant qu’il ait l’air, qui me donnent une force folle, qui me procurent une joie incommensurable. La politique qu’on ne soupçonne pas peut s’y tisser en toute quiétude, et les bulldozers ne l’ont pas encore remplacé par l’un de ces grands centres immaculés. Puissions-nous le garder encore longtemps au creux de la ville…

Etre niais incite à déboulonner le patriarcat (oui)

Par Charlotte Giorgi

Photo de Pixabay sur Pexels.com

Hier, c’était la Saint Valentin. Et l’on dit souvent de la Saint Valentin que c’est une fête commerciale. 

On a sûrement raison. 

Le truc, c’est que cette fête, elle existe, qu’on la trouve sympa ou pas. Et que l’amour, c’est quand même un sacré pilier de nos sociétés. Ce serait quand même chouette de s’en préoccuper.

Mais voilà, c’est un peu niais, tout ça. 

Et alors ? 

Ben, la niaiserie, c’est les sentiments. Les émotions. Se rendre vulnérable. Le foyer. L’intérieur. 

Traditionnellement, ce sont les attributs dont on a doté les femmes. Les hommes eux, dans nos éducations sexistes bien souvent inconscientes, ont appris à gérer la conquête, la guerre, la force. 

Comme nos sociétés sont patriarcales, on a donc appris à dévaloriser tout ce qui a traditionnellement attrait au féminin. 

On se retrouve à rire des sentiments. Et les femmes se retrouvent à porter, dans une grande majorité, la responsabilité de la communication, de la gestion émotionnelle de leurs relations. 

Sauf que voilà, les sentiments, c’est ce dont on a besoin pour sortir des crises qui s’accumulent au-dessus de nos têtes, et qu’on appréhende trop souvent comme des robots, au risque de se faire remplacer par eux (coucou ChatGPT). Un peu d’empathie, de sensibilité, voilà qui pourrait secouer un peu ceux qui prétendent nous diriger sans s’être jamais laissé aller à ressentir le monde.

Pour faire trembler le vieux monde on a donc besoin : de défoncer le patriarcat, pour commencer. La bonne nouvelle ? Ça passe par s’aimer.

Les temps changent. Et de nouvelles manières d’aimer s’inventent, on le constate tous. Mais faisons attention : le patriarcat s’y infiltre parfois tout autant. Ni le polyamour ni les relations libres ni le libertinage ni rien, en fait, ne justifie d’être gaslighté, ignoré, violenté. 

Pour qu’on puisse s’aimer différemment, il faut d’abord se permettre d’aimer. Ça reste ça l’important. La forme, c’est l’enrobage. 

L’amour, c’est pas niais. C’est un truc très puissant qui peut créer des révolutions. Prenons-en soin.