Etre niais incite à déboulonner le patriarcat (oui)

Par Charlotte Giorgi

Photo de Pixabay sur Pexels.com

Hier, c’était la Saint Valentin. Et l’on dit souvent de la Saint Valentin que c’est une fête commerciale. 

On a sûrement raison. 

Le truc, c’est que cette fête, elle existe, qu’on la trouve sympa ou pas. Et que l’amour, c’est quand même un sacré pilier de nos sociétés. Ce serait quand même chouette de s’en préoccuper.

Mais voilà, c’est un peu niais, tout ça. 

Et alors ? 

Ben, la niaiserie, c’est les sentiments. Les émotions. Se rendre vulnérable. Le foyer. L’intérieur. 

Traditionnellement, ce sont les attributs dont on a doté les femmes. Les hommes eux, dans nos éducations sexistes bien souvent inconscientes, ont appris à gérer la conquête, la guerre, la force. 

Comme nos sociétés sont patriarcales, on a donc appris à dévaloriser tout ce qui a traditionnellement attrait au féminin. 

On se retrouve à rire des sentiments. Et les femmes se retrouvent à porter, dans une grande majorité, la responsabilité de la communication, de la gestion émotionnelle de leurs relations. 

Sauf que voilà, les sentiments, c’est ce dont on a besoin pour sortir des crises qui s’accumulent au-dessus de nos têtes, et qu’on appréhende trop souvent comme des robots, au risque de se faire remplacer par eux (coucou ChatGPT). Un peu d’empathie, de sensibilité, voilà qui pourrait secouer un peu ceux qui prétendent nous diriger sans s’être jamais laissé aller à ressentir le monde.

Pour faire trembler le vieux monde on a donc besoin : de défoncer le patriarcat, pour commencer. La bonne nouvelle ? Ça passe par s’aimer.

Les temps changent. Et de nouvelles manières d’aimer s’inventent, on le constate tous. Mais faisons attention : le patriarcat s’y infiltre parfois tout autant. Ni le polyamour ni les relations libres ni le libertinage ni rien, en fait, ne justifie d’être gaslighté, ignoré, violenté. 

Pour qu’on puisse s’aimer différemment, il faut d’abord se permettre d’aimer. Ça reste ça l’important. La forme, c’est l’enrobage. 

L’amour, c’est pas niais. C’est un truc très puissant qui peut créer des révolutions. Prenons-en soin.

Paramètres de jeu [par défaut]

Par Enthea

Dans sa chronique La Dialectique du Pet de Rupture, Enthea nous emmène dans les méandres des relations et des réflexions qu’elles amènent. Aujourd’hui, elle nous parle du modèle du couple par défaut, et de paramètres à questionnner.

Illustration par Alöyse Mendoza

Lors de l’écriture du deuxième billet de cette chronique, j’avais choisi de m’intéresser aux relations capitalistes, et j’y développais les problématiques de ce que l’on appelle l’escalator relationnel.

Le concept de “l’escalator relationnel” à été défini dans le podcast « La princesse et l’escalator » du Cœur sur la table(1), et présente la relation de couple comme ultime idéal, et vecteur des étapes censées nous mener au mariage, à la parentalité et à la propriété.

Et le premier step de cet escalator infernal, est le couple comme on l’apprend depuis très jeune, comme un lifegoal. Je ne dis pas ça pour fusiller une institution dans laquelle évoluent et s’épanouissent beaucoup de personnes. C’est génial de trouver un mode relation qui nous fait du bien, quel qu’il soit. Zéro jugement, vivons heureux. Parfois par chance, c’est ce schéma relationnel qui nous sied parfaitement. Parfois, c’est quelque chose qui convient de manière ponctuelle. Parfois ce n’est qu’une cage. Et souvent, on a besoin de chercher, essayer, varier, et composer par nous même notre propre schéma.

Mais ce qui me terrifie au quotidien, c’est que le couple straight(2) est pensé comme une base, comme un acquis, à tel point qu’il est devenu le mode de jeu par défaut, dès lors que l’on entame une relation intime avec quelqu’un·e.

Il y a quelque temps, je discutais avec un homme, de son habitude de partir de chez moi au milieu de la nuit, et je lui proposais, si il le souhaitait, de rester un peu plus. Et c’est là qu’il m’a appris quelque chose que je n’avais jamais envisagé : son départ avant la levée du jour était un message. Et cela signifiait «Retiens tes ardeurs, femelle, on est pas en couple !». Ça m’a fait rire, de surprise. Ensuite j’ai trouvé cette méthode à mi-chemin entre la lâcheté et la prévenance. Et puis en y réfléchissant je me suis demandé quel niveau de satisfaction il fallait qu’il ait de lui même, pour penser qu’à la deuxième nuit passée ensemble, j’allais avoir envie de lui laisser une place si conséquente dans ma vie ?

En creusant l’idée générale, on se rend compte que la source de ce genre d’action ne se trouve pas dans des problématiques individuelles liées à l’ego, mais dans les croyances qui ont été insidieusement intégrées dans nos esprits depuis extrêmement longtemps.

Pour vulgariser l’histoire en une ligne : les personnes considérées comme femmes étaient jusqu’à trop récemment, présentées comme des êtres inachevées, qu’un homme devait venir compléter (épouser/sauver/accueillir dans un foyer, etc)(3). Le poids de l’histoire hypocritement hétérosexuelle, des contes pour enfants, des transmissions intergénérationnelles, nous ramène à ces destins binaires et réducteurs :

  • pourvoyeur financier sans émotion pour les hommes
  • mère de famille assigné à résidence pour les femmes.

Quel autre avenir construire, puisqu’en France, les femmes n’ont pu disposer de leur compte en banque uniquement depuis 1965. Je te laisse compter. Voilà. Ça fait 57 ans.

Cinquante-sept ans seulement, qu’une femme à légalement le droit de subvenir elle même à ses propres besoins. (et on ne dit pas que c’est possible ou facile. Juste, que c’est enfin légal.)

Et nous d’être là, en 2022, avec toute notre énergie, notre rage, et notre amour, à essayer de gagner des droits (et de ne pas en perdre), à essayer de gagner la possibilité de vivre de manière épanouissante, en esquivant tous les pièges que le patriarcat met sur notre chemin. On essaie, on fait des erreurs, on s’englue par amour dans des relations douteuses, on essaie de garder la foi, sans avoir d’autres modèles que nos adelphes, dans la même sauce que nous.

Mais maintenant que nous avons la possibilité de toustes prendre en charge notre propre existence : quel est le ratio bénéfice/risques (poids) à laisser entrer quelqu’un d’autre aussi intimement dans notre vie ? Y gagne-t-on vraiment quelque chose « par défaut » ?

Est-ce vraiment une bonne idée que les contraintes, les sacrifices, l’énergie que nécessitent le maintien d’un couple straight soit notre premier choix ? Qu’a-t-on de moins dans nos vies, si on esquive cette problématique ? Et combien de situations critiques seraient évitées en choisissant de remettre ce réflexe en question ?

Love.

Fight.

  1. Le Coeur sur la table, podcast de Binge Audio, écrit par Victoire Tuaillon
  2. Straight (dans ce contexte) : le couple cisgenre hétérosexuel monogame qui suit l’escalator relationnel
  3. La pensée straight, Monique Wittig, Balland, coll. « Modernes », 2001