Par Enthea
Chaque mois dans sa chronique La Dialectique du Pet de Rupture, Enthea vous parle de relations, et des enjeux de pouvoir qui les entourent. Aujourd’hui, elle parle de nos ex, de sandwich triangle, et d’avoir assez morflé.

Le mois dernier, je réfléchissais à la manière dont je souhaitais rompre/que l’on rompe avec moi, parce que la rupture est un terrain de pouvoir puissant et violent, qu’il est nécessaire d’appréhender.
Mais la relation d’ex à ex fait, à mon sens, très pleinement partie de ces problématiques dans lesquelles il reste important de se projeter. Quel que soit le prisme par lequel on envisage la situation, cette position : celle de l’ex être aimé, n’est pas anodine.
Pour ma part, j’imagine que l’on pourrait dire que je fréquente mes ex.
Pas tous. Certains -peu- je leur souhaite d’avoir trébuché dans un trou noir. Bye-bye, et pas merci. Pour d’autres, nous sommes en opacité 5% dans le paysage mutuel, mais ça ne nous pose aucun problème. Et pour d’autres encore, nous avons gardé ou parfois renoué, une relation de confiance et d’écoute. La distance a parfois été nécessaire pour repartir sur des bases saines, comme une remise à zéro de tout ce qu’il faut désormais oublier. Un besoin de baisser l’impact des souvenirs, qu’ils soient bons ou mauvais, car cette intensité n’a plus lieu d’être.
Et quoi de plus banal que cette constatation : le temps lisse tout.
J’ai la sensation que les choses ne disparaissent pas. Mais qu’avec le temps, elles sont suffisamment lissées pour pouvoir prendre la forme que l’on souhaite leur donner.
Mais quoi de plus banal également, que des histoires d’ex ?
Et parfois des histoires qui dépassent les limites officialisées.
Que celui ou celle qui n’a jamais été pris·e dans le traquenard d’une relation triangulaire non consentie avec son date + un ou une ex encore en amour, et pas encore prêt·e à ce que la place de conjoint·e soit prise, jette la première capote.
Les codes d’une relation sont déjà compliqués à appréhender et pratiquer, mais alors les codes d’une relation épuisée… Quelle embrouille. J’imagine que pour éviter certaines embuscades, il faudrait déjà admettre qu’il ne suffit pas d’être « ex » pour que tout soit clair et réglé dans le la relation. Qu’il ne suffit pas d’essuyer ce statut d’un revers de main comme s’il n’avait plus d’importance ni d’impact.
Parce qu’il n’y a pas que l’ex que l’on ne revoit plus. Il y a l’ex qui est ami·e, le ou la « meilleur·e ami·e », etc.
Mais dans ce contexte, quelles sont les modalités ?
Parce que l’on a peut être pas bien défini les codes, parce que l’on a peut être pas pris le temps de se mettre au clair sur nos attentes mutuelles, j’ai l’impression que régulièrement, les non-dits sont les ingrédients principaux de cette grande sauce sentimentale.
J’ai la sensation qu’il y a autant de manières d’être proche (ou non) de son ex, qu’il y a de ruptures (et ce n’est pas peu dire). Donc, présupposer d’une attirance sensuelle mutuelle éternelle ou à contrario, d’une chaste amitié désormais immuable, me paraît inutile. Et puis, si les choses sont limpides et honnêtes, qu’importe la relation. On choisit, ou non, de se jeter dans le bourbier.
Je ne sais pas à quel moment on pourrait en avoir envie, ni à quel moment ça serait propice, mais j’ai plusieurs fois déploré que ce travail, celui de s’accorder mutuellement sur une relation « d’ex » qui fasse du bien à toutes les personnes concernées, n’ait pas été fait avant que je ne m’engage un peu trop avec un individu qui finalement, n’avait pas cette disponibilité. Et que l’autre personne me fasse payer mon existence, parce que je prenais une place qui -je l’ai compris à posteriori- était implicitement la sienne.
Et dans ce cas là, tout le monde morfle.
Je crois qu’on a assez morflé.
Je me suis promis il y a quelque temps, que quand j’aime quelqu’un, je lui dis.
Je me suis promis aussi de faire des efforts pour comprendre mes amitiés, mes amours, avoir moins peur d’exprimer mes besoins. Construire des relations les plus sincères et douces possibles.
Et puis, il y a aussi que je suis fatiguée de ces manières qui jouent sur les insécurités de chacun·e, et qui parfois sont utilisées pour présenter les femmes comme des rivales plutôt que des sœurs.
On a chopé le même mec ? Trop cool, ça nous fait déjà un point commun, on en a sûrement d’autres. C’est quoi les prénoms de tes autres ex ? Ou mieux : t’écoutes quoi comme podcast en ce moment ?
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Nous n’avons pas vocation à être un journal tout court, mais davantage un journal intime de notre société. Au fil des jours, nous vous proposons donc de plonger dans les réflexions de cette génération qui navigue dans un monde bouleversé, et qui a fait du questionnement son mot d’ordre. Ces chroniques sont des points de vue sur le monde, elles reflètent donc la subjectivité de leurs auteurs et autrices. Elles se veulent intimes, pour regarder les grandes questions par le petit trou de la serrure.