Par Enthea
Cette saison, l’équipe de rédaction de Motus s’est étoffée. Nous n’avons pas vocation à être un journal tout court, mais davantage un journal intime de notre société. Au fil des jours, nous vous proposons donc de plonger dans les réflexions de cette génération qui navigue dans un monde bouleversé, et qui a fait du questionnement son mot d’ordre. Ces chroniques sont des points de vue sur le monde, elles reflètent donc la subjectivité de leurs auteurs et autrices. Elles se veulent intimes, pour regarder les grandes questions par le petit trou de la serrure.
Dans sa chronique La Dialectique du Pet de Rupture, Enthea nous emmène dans les méandres des relations et des réflexions qu’elles amènent. Aujourd’hui, on parle plan cul, et ce que ça sous-entend.

- Plan cul : Composé de plan (« événement préparé ») et de cul (« relation sexuelle »). Relation sexuelle consentie pratiquée dans l’unique but de plaisir.
« Mais mon beau, tu es obligé de parler de plan cul si tu parles de cette petite salope de Kay » — (Mathieu Croizet, Polka, Paris : Chemins de tr@verse, 2010, page 287)
- Salope : (Vulgaire) (Péjoratif) (Injurieux) Suivant les époques : Femme portée sur le sexe, dévergondée, débauchée, adultère, ou ayant perdu sa virginité hors-mariage.
Wikipédia
Je me suis toujours demandé pourquoi est-ce qu’il est si courant de parler de quelqu’un en affirmant que c’est n’est «que» un plan cul. Le «que» me pose question. M’interpelle. Me peine, un peu ?
Évidemment, nous avons toustes des manières différentes et plus ou moins sélectives de définir avec qui l’on souhaite partager nos vies, explorer nos sexualités. Mais le point commun entre les diverses branches de nos existences, reste que nous avons choisi et désiré, ces personnes.
Que sous-entend ce «que» ? Qu’est ce qui justifie cette minimisation de l’importance du plan cul ? En comparaison de quoi quoi est-il minimisé ?
N’est-il/elle «que» un plan cul, parce que ce n’est pas quelqu’un·e avec qui partager de l’amour ? Est-ce parce qu’il est admis collectivement que sentiments > sexe ? Tout comme il est admis que nous sommes « seul·e » s’ il n’y a pas de statut relationnel stable et officiel(1). Comme si nos amours d’une nuit ou nos rendez-vous sensuels réguliers avaient si peu de valeur, qu’ils ne sont même pas dignes d’être mentionnés dans notre existence. Nous sommes dit «seul·e·s» tant qu’un·e partenaire ne peut pas venir affirmer le contraire. Peu importe la richesse et la folie de nos nuits, de nos relations.
Mais l’énergie collective à désinvestir le plan cul de toutes formes d’attention, est-elle nécessaire, ou bénéfique à la viabilité de ce type de liaison ?
Si l’on peut se déglinguer avec quelqu’un sans avoir pour autant envie de partager des pancakes le lendemain, alors ne serait-ce pas également possible de se préoccuper du bien être d’une rencontre d’un soir, en sachant sereinement que ça n’empiète pas sur la décision de ne pas se revoir ? Ce cloisonnement, qui ne souffre aucun débordement, ne va-t-il que dans un sens ? Sommes-nous dignes de nos partenaires, si nous partons du principe que leur confort émotionnel ne compte pas ?
C’est donc ça « séparer le sexe des sentiments » ? Ne pas se préoccuper du bien être de la personne avec qui on relationne ? L’absence d’amour/ de sentiments romantiques, est-elle une justification valable à n’avoir que faire de la personne qui est dans notre lit ?
Nous avons perdu l’habitude de rester à l’écoute de nos propres besoins, par conséquent, rien d’étonnant à ce qu’être à l’écoute des besoins d’un·e inconnu·e ne soit pas une évidence.
Nous avons peur.
Peur que l’attention se confonde avec l’attachement.
Peur de la méprise, peur d’être vulnérable, peur d’être coincé·e, dans une prise d’otage imaginaire.
Peur de parler, pour éclaircir les zones d’ombres.
Peur de blesser, mais trop lâches pour être honnêtes.
A chacun·e ses bonnes raisons de justifier son déni.
Mais pour autant, je pense que nous avons beaucoup à gagner, à considérer que le care (2) doit faire partie intégrante des relations, quelles qu’elles soient.
Et, si tu n’es pas capable de prévenance et d’empathie envers ta ou ton partenaire de la soirée : rends lui service et abstiens toi d’aller plus loin. Très franchement, de toutes façons, avec un état d’esprit pareil, il y a fort à parier qu’il ou elle n’aurait pas passé un bon moment.
Que désire-t-on au final ?
Kiffer ensemble.
Une heure, ou des mois, cela importe peu. Chacun·e rédige ses contrats, ajuste ses besoins.
Mais nous sommes indéniablement toustes réunis en milieu hostile, à jongler avec nos traumas, à espérer le beau, le doux, le fulgurant, le satisfaisant, ou le pas chiant. A essayer de comprendre et se faire comprendre un minimum, et attraper ce qui nous est accessible.
Alors, une bonne dose de douceur et de prévenance, même si on ne se revoit plus, est-ce que ce n’est pas finalement la meilleure idée ?
(1) Le cœur sur la table – ep. Le plan cul et la vieille fille à chat – BINGE Audio
(2) Le terme care, mot d’origine anglaise, regroupe des valeurs éthiques au sujet de la relation avec l’autre. Basé sur des notions telles que l’empathie, la prévenance, la sollicitude ou les qualités de cœur, le care offre une appréhension morale de l’individu.