Par Charlotte Heyner
Ce sont les moments d’urgence qui font ressortir l’extraordinaire besoin que nous avons de « futilité », de beauté, et de liens. De liens entre nous, et de liens entre toute la variété de choses qui composent nos vies. Les liens entre la musique et la nécessaire solidarité face au néofascisme sont peut-être un peu tirés par les cheveux, mais en ce moment, il y a de plus grands n’importe quoi.

C’est la fête de la musique.
Ça peut paraître futile de fêter la musique dans le contexte actuel.
Il y a plus urgent. Et puis l’humeur n’est pas vraiment à la fête.
Le temps est à la lutte. C’est du sérieux.
C’est aussi parce que c’est si sérieux qu’il est sans doute important de préserver des moments de fête, pour se retrouver, d’une autre manière, pour se ressourcer, pour reprendre des forces.
Personnellement, je suis plutôt du genre à me terrer chez moi pour retrouver de l’énergie. Il n’y a bien que la musique qui puisse m’encourager à sortir dans ces moments-là.
Je ne suis pas sûre que la musique soit si futile que ça. Je connais peu de choses qui soient aussi universelles et aussi fédératrices. Quoi de plus efficace qu’une chanson pour se donner un shot d’énergie et de motivation, que ce soit pour s’attaquer au ménage ou pour animer les manifs ? Quoi de plus fort que d’entendre des milliers de voix entonner en chœur les mêmes refrains de protestation ?
(L’Orchestre du nouveau monde a d’ailleurs fait une très belle performance lors de la manifestation du 15 juin en appelant des musiciens à les rejoindre pour jouer El pueblo unido jamás será vencido.)
Je ne serai pas très originale en disant que la musique est très importante pour moi, qu’elle l’a toujours été, que je n’imagine pas une journée sans en écouter..
Je ne parlerai pas de mes goûts éclectiques, de ma passion pour la radio FIP parce qu’on ne sait jamais ce qui va surgir et que la plupart du temps ce sont des musiques qu’on ne connaît pas, des choses mélodieuses ou pas, parfois franchement perchées, et j’adore ça ! Et puis, de temps en temps, apparaît une chanson que l’on reconnaît et ça fait le même effet que d’apercevoir soudain un arc-en-ciel en regardant par la fenêtre de sa chambre.
Je n’évoquerai pas ma manie d’étudier en écoutant de la musique et des débats que cela suscite dans mon entourage : est-ce qu’on peut réellement se concentrer en écoutant des chansons ? (je pense que oui, c’est une bonne manière de canaliser son énergie pour pouvoir la rediriger vers un seul objet)
Je ne mentionnerai pas non plus combien les vidéos de musiciens qui font des gammes virtuoses ou des foules qui entonnent les chansons de Taylor Swift à ses concerts envahissent constamment mon Instagram, entre deux contenus politiques et fact-checking.
C’est d’autre chose que j’avais envie de parler et la fête de la musique est une bonne occasion.
Au début des réunions mensuelles de l’équipe Motus, on a pris l’habitude de se partager ce qui nous a inspiré récemment. Début juin, j’ai dit que mon inspi, c’était de jouer de la musique en orchestre. J’aurais pu généraliser et dire simplement : jouer de la musique avec d’autres gens.
Il y a quelque chose de magique là aussi, dans le fait de se retrouver, de rassembler différents instruments, différentes parties pour créer un morceau toustes ensemble.
Jouer de la musique avec d’autres personnes m’a appris la force du collectif. J’ai toujours été solitaire de nature, et je découvrais que parfois, être ensemble pouvait avoir son intérêt. Qu’on ne pouvait pas toujours tout faire tout seul et que c’est chouette d’apporter sa pierre à un édifice commun.
Chaque instrument a sa partie à jouer, ses responsabilités et c’est ensemble que le tout prend forme. Il revient à chacun d’assurer sa part pour contribuer au tout. Être là. Donner de la voix, donner sa voix.
Parfois, ça n’a l’air de rien. Ça m’a toujours fascinée, d’entendre les parties séparément, et de constater que même de minuscules interventions ont leur importance pour l’équilibre global. (Là aussi, on pourrait dire : chaque voix compte !!!). Quelques croches et des appogiatures, de longues notes tenues pour composer le tapis harmonique, des rythmes aux basses, des doubles-croches (toujours un peu floues, ça va trop vite) par ci par-là, un contre-chant qui semble absurde quand on le joue tout seul et qui est pensé pour révéler la mélodie principale.
On s’écoute, on ajuste les nuances, le tempo pour être ensemble, pour laisser à chaque voix l’espace de s’exprimer et d’être entendue. Si on y réfléchit et qu’on conceptualise, il y a quelque chose de l’idéal collectif.
Dans la réalité, c’est surtout très fun. Et je crois qu’on a aussi besoin de ce genre d’espace de respiration en ce moment.
Je vous souhaite de puiser dans la musique des forces pour les jours à venir, que ce soit en allant danser à des concerts, en jouant de vos instruments ou en chantant à tue-tête dans votre chambre.
Et une joyeuse fête de la musique à ceux qui la pratiquent, professionnel.les comme amateurices, et à ceux qui l’apprécient, quel que soit leur genre de prédilection !