MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
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MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES

F*ck SERAPHIN et compagnie

Par Noa

Photo de National Cancer Institute sur Unsplash

 

Je suis colère, mais genre VNR tu vois ? A en avoir des envies de meurtres comme le raconte drôlement Swann Périssé dans son seule en scène CALME. J’en ai plein le dos jusqu’à me le coincer, j’ai les dents qui grincent la nuit parce que ma mâchoire est déraisonnablement contractée. J’ai développé de l’eczéma comme jaja, et je me suis même retrouvée à m’intéresser à l’hygiène de vie anti-inflammatoire pour le réduire. 

En tant que gauchiasse woke, j’ai plein de bonnes raisons d’être VNR. On en parle régulièrement chez Motus et langue pendue, c’est comme notre terreau d’écriture. 

Cette fois, j’ai voulu vous exposer ce qu’il se passe dans le milieu du médico-social, et notamment de la transformation de son “offre”. Ouais, je vous l’accorde, c’est niche et ça pue le néolibéralisme. Pour le contexte, je suis salariée depuis 5 ans dans une association qui accompagne des personnes adultes en situation de handicap. Progressivement, j’ai été témoin d’un glissement concernant l’appréciation et la valorisation de notre travail dans sa globalité. Au lancement d’un nouveau service externalisé (une équipe de professionnel.les d’un établissement intervient à l’extérieur de celui-ci, au domicile ou chez des partenaires), notre nouvelle direction a commencé par nous parler vaguement d’une nouvelle nomenclature (Seraphin PH) classifiant nos “prestations”. Nous étions vivement invités à nous l’approprier sur le terrain. Par exemple, étant psychologue, lorsque je fais un entretien clinique, il m’ait demandé de catégoriser cet acte professionnel dans la nomenclature parmi plein d’autres actes. 

Je comprendrais au fur et à mesure, que cette nomenclature “prestatations” (actes) est accompagnée d’une nomenclature “besoins” (des personnes accompagnées). Deux nomenclatures complémentaires qui se répondent. 

SERAPHIN PH est donc l’acronyme barbare de “services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées”. C’est pas bien plus clair, je vous l’accorde aussi. Grosso merdouille, c’est une réforme lancée en 2014, pendant une longue période en phase de test et depuis 2025 obligatoire. L’idée initiale est de sortir des dotations budgétaires globales annuelles pour les établissements et services du médico-social et de fournir des moyens financiers en fonction de l’activité réalisée. Pour cela,  l’activité (actes professionnels) et les besoins des personnes accompagnées sont mesurés, et en fonction un budget est alloué à chaque établissement ou association. Il faut bien trouver une équation objectivable à tout ce merdier. 

Cette nomenclature des actes permettrait aux professionnels de chaque établissement et service médico-social de parler le même langage et d’utiliser les mêmes données. Elle répondrait aux besoins des usagers par une meilleure évaluation et une meilleure analyse du besoin.

Wow sacrée réforme qu’on attendait toustes pour améliorer nos pratiques professionnelles ! Merci à l’Etat, je ne savais pas faire mon métier, tu m’apprends à analyser par simples catégories, les besoins et les demandes des personnes que j’accompagne. J’étais perdue sans toi, me voilà rassurée, j’ai plus qu’à cocher des cases maintenant. 

Nous, travailleur-euses (qui n’aimons pas le changement, quand c’est de la merde), sonnons rapidement la sonnette d’alarme, dénonçant une réorganisation budgétaire se rapprochant de l’hôpital public. Lors de formations nous apprenant à utiliser ces nomenclatures, nous partageons plusieurs fois nos inquiétudes à la formatrice qui insistera jusqu’à la fin à nous faire entendre que cela n’a rien à voir avec la tarification à l’acte. Aujourd’hui, notre direction et les financeurs, reconnaissent tout le contraire. 

Comment peut-on reproduire les mêmes schémas avec les mêmes effets néfastes ? L’hôpital est aujourd’hui une entreprise où il faut produire des actes. Lors d’un tout récent congrès, j’entends encore par des confrères praticiens dans le secteur public : “il y a énormément de souffrances à l’hôpital”, “l’hôpital part à vau l’eau vous pouvez même pas imaginer”. 

Et c’est ce qui est donc également souhaité pour le secteur du handicap, puisqu’on utilise les mêmes solutions qui de facto induisent des problèmes similaires. 

Désormais seulement certains “actes” professionnels sont reconnus et valorisés par les financeurs publics (et donc notre direction), les actes en face à face avec le public. Par exemple, la rédaction d’un bilan neuropsychologique complet n’est pas reconnu comme faisant partie de son temps de travail. Cet exemple fonctionne pour tous les écrits professionnels, ce qui est une grande part de nos réalités au travail, d’autant plus lorsque l’administratif prend en conséquence de plus en plus de place. Ce qui n’est pas compté non plus ; les temps de formation ou de préparation des rdv/entretiens/ateliers, ni les temps de trajet pour nos rendez-vous à domicile. 

Il nous est demandé d’évaluer et d’orienter. Il faut réduire les coûts, fluidifier les parcours, ubériser. Suivi long, interdit. Du court-terme, tout de suite. Évaluation, réorientation, vers du néant. Triage, étiquetage, traçabilité, management et coordination…Tout, sauf du soin.

Plutôt que de revoir les méthodes gestionnaires, ce sont les travailleur-euses de terrain à qui il est demandé de faire un effort, autrement dit faire plus avec moins…toujours.

L’État n’en a que faire, seul le budget compte, encore plus en 2025, où les coupes sont partout. Les professionnels accablés par la violence subie, confrontés à l’insignifiance et au mépris, désertent, pour sauver leur peau, comme l’a déjà démontré le monde hospitalier. Pour exemple, le très bon film documentaire Etat limite de Nicolas Peduzzi (2024) dresse le sombre tableau de la psychiatrie française. 

Je pourrais aussi me casser me direz-vous, 5 ans sur un même lieu de travail ça peut déjà être énorme pour certain.es. Pour aller où ? Au sein d’un autre établissement médico-social qui fonctionne pareil et répond aux mêmes règles ? A l’hôpital public qui s’effondre où je vais passer mon temps à soigner de l’institutionnel ? En libéral comme nombre de mes collègues psychologues clinicien.nes qui se débattent avec Mon Soutien Psy, une autre aberration gouvernementale ?

Je n’ai jusqu’à aujourd’hui pratiqué qu’en institution publique et c’est un choix. Je crois dur comme fer aux services publics et à notre système de solidarité. Ensuite, idéalement, l’institution permet un accueil, une hospitalité, inconditionnel et gratuit. La dégradation de cet accueil est multifactorielle, le facteur que je traite ici est la machine administrative, managériale et budgétaire. Bons nombres d’études ont étudié les conséquences désastreuses de la marchandisation du soin sur la viabilité des services publics. C’est la merde, ça craque de partout. 

Il est urgent de redonner les moyens d’accueillir et de soigner, réellement. En attendant, qui en font les frais ? Les plus précaires, les plus vulnérables, les moins visibles.

Avec nos seuls moyens, nos insuffisances, nos essais-erreurs et nos doutes, la lutte contre les contraintes administratives et gestionnaires redouble. Bricolage, bidouillage et improvisation nous sont indispensables au maintien de notre engagement et à une forme de dignité humaine pour toustes.

Rusons contre la rigidité de l’institution. Syndiquons-nous. Désobéissons.

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