Par Callircé
Ah, la nuance. Celle qui est si souvent adossée à la faiblesse, la lâcheté, le néant intellectuel… Comment faire réellement justice à cette notion qui, loin d’appeler au ramollissement, pourrait dans certains cas bien au contraire nous permettre de mieux défendre nos révoltes ? Callircé nous en dit quelques mots dans ce nouveau billet.

[Juste un petit mot avant de vous laisser repartir : les ami·es, pour permettre le financement de nos contenus, vous pouvez désormais adhérer à notre média, c’est hyper important! Si vous voulez nous soutenir, adhérez par ici !]
« Là, t’es juste obligé de prendre parti. Si tu ne te révoltes pas, c’est que tu es faible. »
Ces mots, entendus il y a quelques jours au détour d’une conversation houleuse dans un café, m’ont interpellée.
Dans le dictionnaire, la révolte se définit comme une action violente contre une autorité ou une attitude hostile envers une contrainte. Elle fait partie de l’histoire de l’humanité. On l’a toujours connue et elle existera encore demain.
Bien souvent, elle charrie avec elle des prises de conscience, des avancées, des changements profonds. C’est un versant de la médaille. Celui qui justifie et légitime.
Pourtant, je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’on obtient réellement lorsque nos actions sont enfantées dans la colère ?
Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Ni même gris.
Dans un monde qui nous pousse à tout polariser en permanence, je fais partie de celleux qui choisissent de cultiver l’art de la nuance. Coûte que coûte.
Parce que je crois que c’est en elle que réside une part de notre humanité, que se love une de nos qualités les plus précieuses : la communication.
Je sais d’expérience que s’enflammer, parler sous le coup de l’impulsivité ou se laisser conduire par la colère n’amène rien de beau, rien de bon. C’est une réponse émotionnelle : elle est normale et elle se respecte. Mais elle ne résout pas.
Je reste intimement convaincue que l’empathie et la nuance sont des clés essentielles dans notre manière de communiquer.
Cela ne signifie pas n’avoir aucune conviction, être incapable de s’insurger ou refuser de se battre pour ce qui nous tient à cœur. Loin de là.
Simplement, elles nous permettent de continuer à partager nos idées, nos ressentis, nos émotions avec justesse. Sinon à quoi bon ?
Elles invitent à enrichir et complexifier notre pensée pour ne pas sombrer dans le manichéisme. Dans la binarité du bien et du mal. D’explorer l’entre-deux qui est certainement bien plus proche de la réalité.
Elles portent en elles l’opportunité de nourrir sa pensée, de la renforcer et de la faire évoluer.
On accepte de creuser profondément dans les arguments des autres, parfois même les plus crasses, pour en ressortir des convictions en relief, solides et éclairées.
J’essaye de faire preuve d’humilité et de bienveillance. D’accepter que nous n’avons pas tous les mêmes connaissances ni les mêmes sensibilités face à un sujet.
Et surtout j’écoute. Je m’invite à ne pas réagir au quart de tour quand les idées des autres viennent s’entrechoquer avec les miennes, parfois même avec mes valeurs profondes.
Je ne vais pas mentir, je n’y arrive pas toujours, je flanche même souvent. Parce que c’est dur de ne pas tomber dans le tranché, dans le clivant, quand on se trouve en face de propos à vomir.
Se révolter, c’est légitime et dans bien des cas nécessaire, voire vital. Je pense simplement que dans le bruit de la révolte ne doit pas se perdre la douceur de la nuance.
Alors en ces temps incertains et tourmentés, je m’y accroche le plus fort possible. Parce que je refuse que les paroles nauséabondes soient celles qu’on entend à longueur de journée.
La nuance appelle à écouter les voix de celleux qui œuvrent pour la réflexion et le dialogue. Et ce sont bien elles qu’il faut défendre et amplifier pour réussir à faire taire les chiens qui mordent pour se faire entendre.