MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
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S’affûter comme un couteau

Par Charlotte Giorgi

Photo de Shubham Dhage sur Unsplash

         Y’a quelques jours j’étais folle amoureuse. C’est un truc assez beau qui m’arrive par épisodes. Y’a quelques jours je renouais avec cette passion tendre que j’ai pour la vie quand l’amour l’habite intensément. Y’a quelques jours je m’étais d’ailleurs fait la réflexion qu’on parlait peu d’amour ces jours-ci sur Motus (haha, un de nos podcasts y est entièrement consacré, mais quid de nos billets plus ponctuels, plus euphoriques, plus en colère qu’un projet au long cours comme Disparaître ?). Y’a quelques jours, je m’étais enthousiasmée de finir l’année sur la description longue et minutieuse de ce sentiment qui m’avait envahie complètement, et qui allait clôturer l’année 2023, en y laissant comme une trace de vie et d’espoir.

         Entre temps, une des lois les plus régressives jamais votée pour notre droit social m’a fait redescendre sur terre. Ce n’est pas moi qui le dit mais la fondation Abbé Pierre, loin d’être, vous en conviendrez, des dangereux ultra-gauchistes anarcho-punk-islamo-quelquechose. Nouvelle ligne rouge dépassée sous notre nez. Verrou qui saute et barrage qui s’effondre. Ne me demandez pas de quel barrage il s’agit, car je serais obligée de tenter de récapituler en un temps très court pourquoi une loi qui nous prépare au démantèlement progressif de notre sécurité sociale et à la préférence nationale par-dessus les droits humains les plus élémentaires ressemble à une loi fasciste. Ces jours-ci, je le sais, les mots sont à manier avec précaution. Soyez certains que je prends celui-là très au sérieux. Cette loi colle au projet idéologique qui a toujours été celui du Rassemblement National, et avant lui, du Front National fondé par un ex SS nazi. Plus de 300 député·es de notre Assemblée ont voté cette loi, et nous sombrons, collectivement, dans une barbarie qui vient, silencieusement.

Les institutions, pourries jusqu’à la moelle ne nous sauveront pas. Notre seul salut, je crois, c’est de se rappeler par des actes quotidiens notre humanité, alors que de tous côtés on nous répète qu’elle coûte trop cher, qu’elle est superflue, inefficace, irréaliste, idéaliste, méprisable, dangereuse, folle, et même qui sait, terroriste. Notre seul salut est de se demander pourquoi nous obéissons à un système qui renie la dignité, qui méprise notre modèle social, ses valeurs qui soi-disant éclairent le monde moderne de la lumière du bien. La farce est grande, notre devoir plus encore. La consternation ne doit plus être une surprise qui nous cueille. Nous devons savoir faire face. Les forces sociales de ce pays, je reprends ici les mots de Clément Sénéchal sur X, doivent entrer en désobéissance civile. Par tous les moyens, se faufiler dans les brèches du système qui permettent encore un autre logiciel, une autre manière d’être au monde que ces pensées rabougries qui sont en train de gagner, minant de répondre à des colères légitimes. La lutte se fera au-dehors de ce marasme, dans ses failles et ses interstices, puisqu’on nous refuse le droit d’être corrects par les voies institutionnelles.

         Mais c’est-à-dire ?

         D’abord, être à l’affût. À l’affût de nos droits qui peuvent encore être préservés et qui sont à l’aube du saccage : veiller, comprendre et connaître les mobilisations autour de nous, leurs enjeux et leurs stratégies.Choisir d’y souscrire, efficacement, et là où nos tripes se sentent le mieux. 

Ensuite, faire bloc. Dans les discussions autour de nous, contrer la propagande ignoble, répondre pied à pied, se fâcher, se mettre en rogne, se foutre en colère. Défendre ce à quoi on tient, en montrer la possibilité et surtout, l’immense désirabilité. Avoir pour cela collecté tout ce qu’on peut : expériences significatives, données percutantes, références communes, arguments d’autorité, tout ce qui peut faire mouche et empêcher une personne de plus de signer ce contrat avec l’extrême-droite, voire la rallier à nos actions.

S’engager en actes autour de chez soi : rejoindre les initiatives locales, en organiser de nouvelles, vérifier autour de nous l’état de nos proches, nos voisins, nos ami·es. Continuer à tisser des liens, à faire des choses ensemble, à rappeler que le devoir d’humanité et la solidarité ne sont jamais dictés par les guignols en cravate à la tête d’un pays qui sombre.  

Ensuite, donner. Donner aux associations, aux caisses de grèves, aux collectifs militants.

Enfin, désobéir. À petite dose, ou intensément. Détruire les rouages d’une machine qui nous broie, car notre tour viendra, après celui de nos camarades exilé·es, immigré·es, et non-Blancs.

         Bref, finalement, ce n’est pas vain de parler d’amour. Je crois que j’aurais dû. Raconter l’immensité de cet élan, qui est le seul sentiment qui a pu dépasser la colère qui me pourrit de l’intérieur, lovée contre quelqu’un que j’aime.

Sortir du brouillard par l’amour, et le sens profond de nos combats. Pour moi, il s’agit de pouvoir vivre et aimer.

J’adore t’aimer, je suis comme une monstrueuse ogresse quand je t’aime, je suis forte comme le monde, et je devance tout. Quand je t’aime, tu me forces à vouloir tout et le meilleur, même si je suis si fatiguée. Il n’y a pas de torpeur avec toi, juste le désir brûlant et vif que j’ai de toi, et qui rejaillit sur le monde, que je désire alors avec une volonté infinie. Je veux que tu n’arrêtes jamais de me regarder, de poser tes grands yeux si expressifs sur moi. Ainsi, je sais qu’il ne faut pas flancher. Je sais ton exigence, qui empêche la mienne de sombrer. Je veux que tu me fasses encore attendre pour rien et espérer tout. Je veux que tu me déranges, que tu me heurtes, que tu me bouscules parce qu’il me faut encore cette force pour chercher mieux. Je veux que tu me secoues parce que je ne t’aime jamais aussi fort que lorsque ton intelligence fine me perce de part en part, que tu m’empêches d’aller à la facilité ou de me vautrer dans des idées factices. T’aimer me fait garder le cap.

         Notre média sera en pause hivernale du 25 décembre au 7 janvier. L’occasion pour nous d’aller aimer de notre mieux les gens autour de nous. J’espère que vous aurez l’espace de faire de même. Tout ça pour nous retrouver en 2024, affûtés comme des couteaux, aiguisés comme des lames, pour réduire en pièces ce destin misérable qu’on nous voudrait réduits à accepter. À bientôt les ami·es.

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