Charlotte Giorgi
Fumée blanche. Sons des trompettes. Points d’exclamations, médias en extase, photo shoots nickel et sourires Colgate. Nous avons un nouveau premier ministre. Nous avons un premier ministre, qui s’apprête à poursuivre les médiocres dévastations avec ses dents blanches et son air de premier de la classe.
Gabriel Attal est jeune, brillant, dynamique.
La politique du néant est à son apogée : un beau jeune homme, taillé par la communication et l’ascension. On ne tarit pas d’éloges. Un parfait petit bourgeois qui serait de gauche parce qu’il est ouvertement gay et que les autres sont encore plus de droite. Quelle aubaine pour la Macronie.
Ces derniers jours en Afrique du Sud se tient un évènement inédit. Le pays d’une lutte acharnée pour les droits humains et contre l’apartheid se fait l’écho de la lutte palestinienne et entend dénoncer un génocide.
Le froid, pendant ce temps en France, arrache de nombreuses vies : celles des gens qui dorment dans la rue et dont la détresse semble devenue commune ; celles de migrant·es auxquels la police docile et même volontaire ôte encore des chances de survie en laminant les tentes de fortune à grands coups ; celles de familles qui vivent dans des passoires thermiques, pour qui l’énergie est trop chère et gaspillée par un logement indigne, et qui mourront à petits feux, persécutés par les factures impossibles et le quotidien si grotesque et absurde qu’il en devient indigeste.
Les Jeux Olympiques se profilent, charriant avec eux leur lot de saccages écologiques et sociaux, la militarisation de la société encore renforcée par la volonté de « réarmement » annoncée par un président hors sol comme une priorité au milieu des ruines de nos vies politiques et de nos vies tout court.
Sans parler du reste, le fascisme rampant qui ne rampe même plus mais galope aux yeux de tous, la brutalité de la productivité à tout va, les inégalités indécentes, les pubs partout qui nous matraquent et subvertissent nos espaces pour les transformer en parcs de divertissement géants, prêts à tout pour faire du fric sur notre dos.
Mais non. Il fallait que de toutes ces infos, les médias préfèrent parler de la jeunesse et du dynamisme de Gabriel Attal. Tout le monde s’en carre le cul. Tout le monde s’en tape le coquillard. Tout le monde s’en fout. Mais c’est un automatisme, un réflexe : se ruer dans le vide proposé, se ravir de la vitesse et de la beauté de la fusée avec laquelle nous allons nulle part. Personne ne sait dire grand-chose de la substance politique de ce mec. Ce qui nous intéresse n’est pas ce qu’il va faire mais comment il va le faire. On applaudit des quatre mains : énergique le jeune homme ! C’est en effet avec vivacité et ardeur qu’il continuera de couler le bateau dont nous n’espérions de toute façon plus grand-chose.
Mais des journalistes et des commentaires, nous pouvions en revanche espérer – oserait-on dire exiger – une rigueur dans la hiérarchie des informations : quand on acclame la vacuité, c’est qu’on est un peu creux. Et on ne peut pas se permettre de l’être.
Nul besoin d’avoir fait des années d’études pour avoir envie de se fracasser le crâne dans un mur en entendant qu’une sombre réac’ hérite de trois ministères à la fois : santé, travail, solidarités. Qu’à la tâche déliquescente de l’Education Nationale, on aura aussi celle qui doit superviser le plus grand évènement sportif dans laquelle notre pays se soit embourbé de toute ces dernières années. Que la culture est abandonnée à la vulgarité d’une droite aigre et déjà vue. Qu’à tous les étages, cela crie qu’on est dans une merde qui s’assume de plus en plus.
On a bien compris que le renversement ne se fera pas là. Que cette « régénération » est une farce grossière en même temps qu’une menace mille fois renouvelée. Il est temps d’arrêter de commenter et de maîtriser notre temps politique, déchargé de tous ces gens qui nous encombrent et nous foutent la honte. Le temps des commentaires est passé, attelons-nous à aider, mettre en lumière et soutenir les vrais ministères de notre époque. C’est ça ou la honte toujours.
RÉSERVEZ VOTRE SOIRÉE ! 
