MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
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Comme un lundi

Par Noa

Illustration d’Apurv Das sur Unsplash

Chaque année le 3ème lundi de janvier serait le « jour le plus déprimant de l’année » soit le Blue Monday.

Des médias papiers ou en ligne, des influenceur.euses, des marques, en profitent pour vous proposer quelques solutions bien-être marchandes court-termistes et individualisées.

Il est vrai que le blues hivernal n’est jamais bien loin mi-janvier avec sa morosité ambiante, alors que les jours grandissent timidement et que le manque de luminosité journalière met un coup au moral. Revoir la neige ces derniers jours, au pied de ma porte, comme un fait hivernal typique, a tout de même soulagé temporairement mon éco-anxiété. Janvier, c’est aussi une période où nous sommes invité.es à prendre du recul sur notre parcours de vie, d’en faire un bilan et de déterminer des perspectives pour la suite. Selon où nous en sommes, ce que l’on traverse, nos inclinaisons à l’introspection, notre santé physique et mentale… cela peut être plus ou moins douloureux.

D’autres raisons à se traîner ce blues me viennent en tête. Au hasard : la fin du droit du sol français et la préférence nationale du gouvernement Macron, la non (et pourtant si proche) démission de Darmanin (meilleur cadeau de Noel avorté), l’arrivée fracassante de France Travail, la population de Gaza massacrée par l’armée israélienne, la guerre en Ukraine qui se fait oublier, la destruction des services publics et du droit commun pour tous.tes, la complaisance d’une élite culturelle envers les viols et agressions sexuelles de Depardieu, les catastrophes environnementales de ces dernières semaines (Corse, Pas de calais, Japon …), la machine consumériste et productiviste énergisée par les achats de fin d’année, reconduite pour la période des soldes…

Pendant ce temps, nous nous racontons gentiment, que notre déprime d’une journée tient à un calcul douteux pseudo-scientifique. Pourtant, nous serions au courant si l’évaluation de l’humeur de la population générale se résumait simplement à 3 facteurs : la météo, le salaire et la motivation. La formule magique étant : {W = (D-d)} x TQ : M x Na

W = météo

D-d = dettes contractées pendant les fêtes et la capacité à les rembourser avant la paye de janvier

T = temps écoulé depuis Noel

Q = période écoulée depuis les résolutions de début d’année

M = manque de motivation

Na = besoin d’agir

Il paraîtrait aussi que la solution antidépressive par excellence serait d’acheter un billet d’avion pour aller se réchauffer le cœur au soleil. C’est en effet la proposition officielle du Blue Monday inventé en 2005. Cette année-là, Cliff Arnall, psychologue, coach et speaker britannique, participe à la création d’une campagne publicitaire de l’agence de communication Porter Novelli pour l’agence de voyages Sky Travel (RIP à elle depuis 2010). Ces deux agences lui commandent de déterminer le meilleur jour de l’année pour réserver ses vacances d’été. Le but commercial est clair : augmenter les achats de billets d’avion. Du bullshit capitaliste !

Depuis, cette farce revient chaque année au mois de janvier dans les médias et sur les réseaux sociaux, corrélé à des incitations d’achats. Cliff Arnall milite pour sa suppression depuis 2010, tout en surfant à présent sur le Yellow Day, jour le plus joyeux de l’année, né d’un autre contrat commercial du même genre.

Il semblerait que Cliff Arnall fasse partie de la force noire des psychologues, amené à capitaliser ses connaissances du comportement humain pour se remplir les poches. En cela, le Blue Monday est un bon exemple de la capitalisation de nos émotions, comme l’a théorisée la sociologue Eva Illouz (Les marchandises émotionnelles – l’authenticité au temps du capitalisme, 2019).

Je me retrouve partagée face aux répercussions de ce Blue Monday qui commence à dater maintenant. Il est vrai que c’en est devenu une opportunité pour parler publiquement et intimement de santé mentale, et peut être lors de cette période, s’autoriser à se laisser aller à des émotions désagréables voir dépressives, en se disant que c’est un fait collectif, déterminé et hors de notre contrôle.

Par ailleurs, je suis aussi révoltée. Je suis révoltée par le manque d’éthique et par cette forme de résignation face au capitalisme, contraire à ma représentation du soin. Je suis révoltée que la vulnérabilité et la méconnaissance des consommateur.ices soient exploitées à leurs dépens pour leur soutirer leurs économies sous couvert d’empathie. Je suis révoltée que la méthode scientifique soit mise en avant pour légitimer un concept psychologique inexistant, et que ce soit lié à la consommation massive encourageant la dégradation de notre écosystème. 

Au risque de pencher dans le moralisme, je pense que le métier de psychologue ainsi que les troubles en santé mentale sont déjà suffisamment pétris de fantasmes et de mythes pour rajouter de la désinformation sur le sujet. Soyons clairs, la dépression, pathologie psychique réelle et parfois mortelle, ne se soigne pas avec des vacances au soleil. A titre personnel, étant régulièrement concernée par des épisodes dépressifs à tendance mélancolique et confrontée à la maladie psychique dans mon quotidien professionnel, ce réductionnisme de la complexité humaine et de son monde, ce procédé manipulatoire et pervers, me désespère.

Blue Monday me rappelle avant tout le génial titre de New Order sorti en 1983, un autre genre de consolation. En 2023, j’ai aussi aimé découvrir au cinéma, le film Blue Jean qui traite du lesbianisme discret d’une britannique en 1988 dans un contexte législatif homophobe sous le gouvernement Thatcher. Ses aspects contemplatifs, mélancoliques, saphiques et militants ne pouvaient que me plaire.

Un de mes livres préférés est Bleuets de Maggie Nelson. Un écrit sur la couleur bleue décortiquée en 240 points. Le lien avec l’expression anglophone « to feel blue » (avoir le cafard) y est plusieurs fois évoqué. En voici un extrait sur lequel je vous laisse : « 91. Blue-eye, littéralement « œil bleu », archaïque : « Marque bleue ou sombre autour de l’œil, causée par des larmes ou autre. ».

J’ai les yeux bleus.

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