MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
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Défier une culture française

Par Noa

Photo de Klara Kulikova sur Unsplash

Je suis fille d’oenologue. Une partie de mon identité est reliée au milieu viticole. Ce qui aux yeux des autres me donne facilement le titre d’amatrice de vin éclairée plutôt que d’alcoolique discrète. J’ai baigné depuis ma naissance dans cette culture française du bon vivant, mais plus en mode pataugeoire que piscine olympique. La transmission générationnelle de ces capitaux culturels et sociaux est loin du niveau de la série Les gouttes de Dieu (2023) dans laquelle le père traumatise les sens de sa fille unique, soumise à des exercices oenologiques exigeants alors qu’elle n’est qu’une enfant. La mienne était plutôt timide et modeste. Mon père nous a appris à apprécier un vin, qu’importe son prix ou son origine. Il nous a encouragés à la curiosité, et à le décrire à notre manière, alors que sa propre description peut se rapprocher d’un poème. Ma famille a toujours habité à proximité des caves coopératives où il a travaillé. Une fois notre maison en était même limitrophe, facilitant les petites urgences notamment lors des vendanges et des périodes de vinification. Sur la table de repas quotidiens, il n’est pas rare qu’une bouteille de vin ait sa place, midi ou soir. Pour autant, j’ai peu vu mes parents alcoolisés. Mon père s’assure de notre consommation raisonnable avec ou sans eux. Je consomme de manière irrégulière et peu d’alcool différents, encore moins d’alcools dits forts : vin et bière principalement. Personne dans ma famille n’est abstinent·e et nous parlons très peu des personnes qui auraient peut-être besoin de l’être.

Il est fréquent que je rentre d’une lourde journée de travail où je confonds mon besoin de détente avec une envie de boire un bon verre de vin. J’ai en tête ces images en pop culture de femmes cis avec leur gros verre sur pied qui se servent un verre de vin plus haut que le bord représentant parité, rébellion, émancipation et libération de soi. Outre son aspect anti-stress, l’alcool me donne l’illusion de mieux appréhender mes vulnérabilités en société et de me procurer dans l’étourdissement une forme d’échappatoire face à la folie du monde. Parfois je recherche aussi une pause de moi-même.

L’alcool, anxiolytique, antidépresseur, désinhibiteur… Et outil de domination ! C’est ce que soulève le mouvement Straight Edge d’origine américaine (80’s) proche de la culture contestataire d’extrême-gauche. Cette sous-culture punk hardcore considère l’alcool et la drogue comme des moyens de contrôler les masses, et s’en refuse toute consommation, préservant leur esprit critique, leur réactivité et leur lucidité pour la lutte sociale. Le fondement sous-jacent de l’identité straight edge est une vie positive et pure, ce qui me laisse fortement songeuse… Cela mériterait un nouvel article sur les concepts de positivité et de pureté sous un prisme queer et anti-validiste. Je trouve néanmoins intéressant, le renversement normatif face à l’alcool amené par cette culture punk, que nous résumons habituellement par “sex, drugs & rock’n’roll”. Comme si l’abstinence alcoolique devenait profondément subversive et contestataire (Claire Touzard – Sans Alcool, 2021).

Une démarche politique que l’on retrouve sous d’autres aspects chez les zapatistes, dont j’ai eu la chance de croiser le chemin à Dijon lors de leur dernière venue en Europe en 2021. Depuis le soulèvement du 1er janvier 1994, les zapatistes expérimentent des formes d’autogouvernement populaire au sein des territoires rebelles et montagneuses du Chiapas, au sud-est mexicain. Et c’est à l’initiative des femmes zapatistes que la consommation d’alcool, instrument historique de la soumission des indigènes notamment dans les haciendas du XIXe siècle, mais aussi cause majeure de la violence intrafamiliale et conjugale, y est totalement interdite. Cette mesure collective a permis d’en réduire fortement les répercussions, même si de telles situations de violences sexistes et sexuelles restent présentes.

En continuité de cette idée que l’alcool favorise les oppressions systémiques, peu d’écrits existent encore concernant l’impact de l’import d’alcool sur les peuples colonisés en Nouvelle Calédonie, en Guyane, en Tunisie ou en Algérie. J’ai aussi peu croisé de contenus concernant l’impact écologique de l’industrie mondiale de l’alcool. Personnellement, j’aurais beaucoup plus de difficultés à arrêter de consommer du chocolat et du café plutôt que du gin ou de la tequila. Ma consommation de vin à papa et de bières par des brasseries locales me suffirait déjà amplement. Pour des raisons environnementales, et le soleil qui tape davantage sur les grains de raisin, le degré d’alcool du vin va augmenter. Cet argument d’autorité culturel que le vin est un alcool à part en France, sera de moins en moins valable. J’ai l’espoir que le gouvernement français finisse par considérer la consommation d’alcool comme un enjeu social, économique et sanitaire public sérieux, comme il l’a fait avec le tabac. Pour preuve, le mois sans tabac en novembre que les pouvoirs publics soutiennent, au contraire du dry january (ou défi de janvier) pour l’alcool. La loi des lobbies a encore de belles années devant elle. Outre ces enjeux financiers et de corruption, des enjeux identitaires et nationalistes forts sont de mise. Se libérer de l’alcool reviendrait à s’émanciper de normes sociales très ancrées et du système capitalo-libéral  !

Bon j’avoue, mon père est à un an de la retraite, ça doit faciliter mon discours… 

Allez plus loin :

  • la BD Les Imbuvables de Julia Wertz (2023)
  • le livre Addicts du Dr Jean Victor Blanc (2021)
  • le livre Sans alcool de Claire Touzard (2021)
  • le livre Jour zéro de Stéphanie Braquehais  (2021)
  • le livre Récits de la soif de Leslie Jamison (2021)
  • le film Drunk de Thomas Vinterberg (2020)
  • l’épisode «alcool, nous avons un problème » du podcast « vivons heureux avant la fin du monde »
  • la vidéo « DRY JANUARY, ÉCOLOGIE : POURQUOI LE POUVOIR A-T-IL SI PEUR DE LA SOBRIÉTÉ ? » de BLAST

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