MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES

L’arnaque et les pilules

Par Charlotte Giorgi

Photo de Jose Losada sur Unsplash

C’est la troisième fois en une semaine que j’écume Doctolib. J’ai déjà un rendez-vous, mais la psy est débile.

Ne vous inquiétez pas, je ne me suis sentie autorisée à dire ça qu’après trois séances et 330 euros en moins sur mon compte bancaire. À ce prix-là, on prend le temps d’analyser, je vous promets. Après une dernière séance où la dame engoncée dans son cabinet bourgeois a passé l’intégralité de notre précieux temps ensemble à disserter sur le féminisme de notre époque, “ce n’est que mon avis mais aujourd’hui il suffit qu’un homme tienne la porte à une femme et ça y est c’est un agresseur”, je n’avais plus beaucoup de doutes sur le fait que je m’étais – une fois de plus – allègrement faite arnaquer par la psychiatrie française et ses tarifs exorbitants. Le pire, c’est que ce n’est pas la première fois que je khalass pour qu’un énième “professionnel” me donne son point de vue sur la société en m’ignorant superbement, puis me tende avec un sourire poli son terminal bancaire. Ça fera 110 euros 🙂 

Ce n’est pas la première fois parce que je suis une fille de mon époque. Les filles de mon époque savent bien quand elle se sont fait avoir. Elles savent qu’il faut dire les choses, que le mal est ordinaire et que la santé mentale est aussi importante que la santé tout court. Elles savent que les psy c’est pas pour les fous, qu’une petite pilule de temps en temps, on sera nombreux à y passer de toute façon, et que vu la gueule du monde, il est fort peu probable qu’on aille mieux qu’aujourd’hui par le miracle du saint esprit. Bref, je fais partie d’une génération pour qui la psychologie, la psychiatrie même, ne sont plus des gros mots, et qui s’accommode comme elle peut des secousses du monde de cabinet en cabinet. 

La première fois, j’avais 15 ans, je vais en avoir 25. 10 ans, et au moins autant de professionnel·les rencontré·es. En bonne élève de cet élan de cassage de tabou autour de comment on va dans nos têtes saturées d’infos de ce monde absurde, j’ai toujours retenu les remarques qui me venaient en tête sur les nombreux charlatans que j’ai croisés. Jusqu’au jour où j’ai décidé solennellement que ça valait mieux pour tout le monde que je ne remette pas les pieds dans un cabinet. Et où la pensée terrible m’est venue : “c’est moi le problème”.

Les psy sont expert·es, iels savent mieux que moi et je ne veux pas entendre ce qu’iels me disent. Les psy sont des gens éduqués, cultivés, surdiplômés, c’est quoi mon problème. Les psy sont chers pour une raison, non? Alors c’est quoi, mon souci, à les trouver creux et à côté, à savoir d’avance les platitudes qu’iels vont me refourguer? 

Alors passent les années, évidemment la précarité du début de ma vie active chaotique, les rebonds inefficaces et intenses de ma vie amoureuse et un épuisement militant n’arrangent rien au fond de moi. Je suis en vrac, et en décembre dernier, je me décide à chercher un nouveau rendez-vous après quelques années de pause. Je ne suis pas dans de meilleures dispositions mais plus honnête avec moi-même cette fois : je cherche un psychiatre pour une raison précise. Laquelle peut se tristement se résumer ainsi : acquiescer gentiment pendant le rendez-vous et repartir avec une ordonnance garnie. Les médicaments ne sont pas toujours dignes de confiance, mais au moins, on sait à quoi s’attendre, et on n’a pas à les écouter babiller. Depuis quelques mois, ils m’aident de façon mesurable. Je ne sais pas si je m’en serais sortie sans eux, mais une chose est sûre : je m’en sors très bien sans psy. Après un troisième rendez-vous et un porte-monnaie en état de mort clinique, j’écume doctolib à la recherche de ma mille-et-unième tentative de trouver un professionnel de santé qui ne soit pas un ego sur patte qui disserte à propos de lui en faisant croire qu’il parle des autres. À voir leurs prix, ici, à Paris, je me résous à l’évidence : aucun d’entre eux ne peut décemment comprendre ce que je vis ou avoir envie de me faire aller mieux. On ne fait pas payer 130 euros une consultation quand on veut simplement faire aller mieux. Et moi je ne payerai plus des gens qui entretiennent le système qui fonde mon mal-être. À moins de trouver des professionnel·les un poil politisé·es, qui ne me diront plus que ma détresse financière est la cause de mon état avant de me faire passer à la caisse, j’irai chez le généraliste et mendierai mes pilules. C’est ce que font beaucoup de gens, et je l’admets : ma génération ne semble pas avoir trouvé de meilleure solution. Moi en tout cas, je n’en ai pas trouvé. 

Je ne sais pas trop ce que je cherche, en écrivant ce billet. Je me dis que c’est peut-être un peu con, de parler des psy comme ça. Je veux bien croire qu’il y en a des bons, et ça me fait chier de décourager celles et ceux d’entre vous lecteur·ices, qui étaient sur le point de prendre le taureau par les cornes et de choper ce foutu rendez-vous. Mais je crois que c’est important qu’on dise ça : les psy, c’est comme partout, y’en a quelques uns de bien, et puis la majorité des autres sont pas des grands manitous extraits du monde. Ils pataugent dans notre société, y défendent leurs intérêts, leur thune et pas grand chose d’autre. Les psy ne sont ni nos profs ni nos amis, ils ne sont ni plus sages ni plus intelligents que nous. Ils peuvent constituer un espace pour se soigner, mais les considérer comme l’ultime remède est une chimère qui nous fait beaucoup de torts : autorisons-nous les médocs, les amis, les dénis, les larmes solitaires, le travail salutaire, se jeter dans la passion, faire l’amour, autorisons-nous les autres voies pour aller mieux. Ça ne fait pas de nous des débilos. Juste des gens qui nomment les réalités, parce que c’est jamais très utile, de vivre en fantasmes. Ça suffit les arnaques.

Jours
Heures
Minutes
Secondes

LES ÉTATS GÉNÉRAUX DU SEUM : RDV LE 10 SEPTEMBRE À PARIS !

📆 RÉSERVEZ VOTRE SOIRÉE ! 

Mercredi 10 septembre 2025 de 18h30 à 1h au Point Ephémère à Paris, on vous invite aux Etats Généraux du Seum 🪩

Au programme : apéro, stands militants, talk politique & DJ sets!

On vous reveal le line up à la fin de l’été ! Bloquez la date ;)