Par Charlotte Giorgi
Qu’est-ce que j’en ai Ă foutre? En vrai de vrai, qu’est-ce que j’en ai Ă foutre, je me suis dit. Et puis bon, on est quand mĂŞme un mĂ©dia. Et nous aussi d’y aller de nos petites tartines de sur-analyses sur Trump. Sauf qu’en fait, c’est peut-ĂŞtre nous qu’on a raison. Et ici on s’autorise Ă Ă©couter nos instincts, nos ventres, un peu plus que les coulis de pseudo-journalisme dont on nous bassine.Â

Photo de Pau Casals sur Unsplash
Au fond de mon ventre donc : l’envie profonde de me jeter sur les fraises Tagada qui reposent tranquillement sur mon Ă©tagère, mais aussi le vide. Ce vide qui fait qu’au fond de mes tripes, Trump et autres dĂ©biles ne m’intĂ©ressent pas. Je m’appauvris de ces discours qui semblent n’alarmer plus personne, de ces commentaires qui continuent de faire des USA le centre du monde, de ces tables rondes qui tournent en boucle sur les infos que l’on avait dĂ©jĂ il y a 8 ans. Rien ne m’a jamais autant foutu la flemme que de penser que ce mec dont on connaĂ®t dĂ©jĂ l’étendue de la mĂ©diocritĂ© va rester au coeur des sujets d’actu pendant 4 ans encore.Â
Non vraiment, j’ai beau chercher. Je m’en fous pas mal, de ces outrages tracĂ©s d’avance, de tout ce qu’on peut prĂ©dire de lui dĂ©jĂ maintenant, de ce signal dont on devrait faire semblant de s’étonner qui nous dit que oui oui, effectivement, on est mal barré·es dans ce siècle.Â
La semaine prochaine, je dois garder mon chat. Ce sera la première fois qu’il vient chez moi. Mes parents doivent dĂ©mĂ©nager tout le rez-de-chaussĂ©e de notre maison pour que les ouvriers puissent passer. Le chat serait trop duper. Les ouvriers, c’est parce que notre maison s’effondre. LittĂ©ralement. Depuis des annĂ©es, je me moque un peu de ma mère qui pointe fissure après fissure, et portes qu’on ne peut plus fermer (tant qu’on peut les ouvrir!). Sauf que ça s’écroule ensuite. Et ça je ne l’ai compris que lorsque j’ai entendu le coĂ»t des travaux : 100 000 euros. Ah ouais, en fait. Pris en charge par l’assurance, heureusement. Sinon on se serait effondré·es avec la maison. On habite Ă cĂ´tĂ© d’une gare RER, en banlieue parisienne. Et notre maison s’effondre Ă cause du dĂ©règlement climatique. Qui fout le bordel dans le sol, et vu qu’on est assis sur les pires argiles qui soient dans ce contexte, ben les fissures fissurent toujours plus. On a dĂ©couvert que dans le voisinage, les travaux comme ceux qui vont ĂŞtre faits chez nous sont lĂ©gions. Pourtant, y’a rien qui indique, sur la façade de chez nous, qu’on est dĂ©jĂ des victimes du climat que les abrutis comme Trump continuent de faire exploser.Â
Sinon, demain, les femmes de mon pays auront officiellement Ă travailler dans le vent, parce que les Ă©carts salariaux existent toujours alors qu’on est en putain de 2024.Â
Cette annĂ©e, comme l’an passĂ©, je resterai au tĂ©lĂ©phone avec des ami·es qui vont avorter et sont mortes de trouille, des gens qui ont perdu leurs souvenirs dans les inondations ou que la pollution de l’air a endeuillĂ©s sans un bruit.Â
Alors dĂ©solĂ©e, mais je n’arrive pas Ă en avoir quelque chose Ă foutre, de Trump. Trump qui n’a rien d’original, de nouveau, d’intĂ©ressant. Trump qui fera comme la plupart des puissant·es qui l’entourent, riches Ă crever et pas foutus de se payer une empathie, virilistes pour prouver on ne sait trop quoi Ă on ne sait trop qui, Ă©tant donnĂ© que leurs tours dont on ne voit mĂŞme plus le toit grignotent dĂ©jĂ nos espaces publics, mĂ©diatiques, et de pensĂ©e. Trump est un mec blanc et raciste comme il y en a des milliers, et produire mille et une analyse de sa personnalitĂ© complexe et tapageuse ne sert Ă rien si ce n’est lui accorder un crĂ©dit absurde. Qu’il ait entre les mains un arsenal de guerre est plus embĂŞtant, je vous l’accorde. Mais ne faisons pas les effarouché·es : avant comme après, un gĂ©nocide en Palestine se poursuit dans l’indiffĂ©rence quasi gĂ©nĂ©rale, et le monde continue sa marche grotesque. Au milieu nous continuons de rĂ©sister et d’être solidaires. Qu’il y a-t-il d’autre Ă faire? Trump est un continuum d’idioties et ne mĂ©rite pas notre temps, notre attention, et encore moins nos lamentations inefficaces. Celles et ceux qui seront les premières victimes, encore une fois!, de sa politique devrait en revanche recevoir nos micros, nos analyses et nos solutions. Les personnes qui n’ont pas eu la bonne idĂ©e d’avoir la peau blanche, celles qui sont vulnĂ©rables aux dĂ©lires Ă©conomiques libĂ©raux ou aux catastrophes environnementales, les migrations, les ocĂ©ans et les femmes qui demandent, Ă dĂ©faut d’une souverainetĂ© dans leur sociĂ©tĂ©, une souverainetĂ© sur leur propre corps – tout ce qui rĂ©vulse, apparemment, la majoritĂ© de la population de la 1e puissance mondiale.Â
Nous continuons d’avancer, contre vents et marées, au milieu des réactionnaires et des sombres égoïstes qui sont toujours plus nombreux. Notre boussole n’a pas bougé, elle ne bougera pas. Inutile de trop s’attarder sur les ressorts psychologiques du mec à la chevelure orange qui sera donc l’énième ridicule président de ce pays dont il serait temps de se désintéresser un peu. Nous avons bien du travail déjà , et il n’est pas temps de ralentir la cadence. En avant! (contrairement à d’autres…)