MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
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Dialogue autour d’une toile d’araignée

Par Ludi Marwood & Alexandre Ruffier

Le 16 janvier 2025 Amandine Lach et Noémie Luciani sont entendues à l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission d’enquête sur les violences sexuelles dans les milieux artistiques français. Elles détaillent les agressions qu’elles ont subies et la réponse qu’elles ont reçue lorsqu’elles ont voulu en parler à leurs supérieurs, aux institutions de la critique ou à la police. Bien évidemment, rien n’a été fait. Elles ont perdu leur travail.

Je suis critique de cinéma, tu es critique de cinéma. Professionnellement depuis presque deux ans. J’écris sur des films d’animation, des comédies queers et féministes. Tu parles de documentaires et de cinéma dit d’auteurices. Je participe à des podcasts, je m’exprime bien à l’oral. Tu préfères l’écrit, même si tu ne rechignes pas à prendre le micro. Je suis non-homme, tu es homme.

Fin décembre 2024, Amandine Lach et Noémie Luciani annoncent que depuis 2021, faute de trouver du soutien, elles collectent elles-même de multiples témoignages de femmes agressées. De cette enquête, elles en feront un podcast bientôt disponible, intitulé Adieu le cinéma. Peu de temps après cette révélation, le Syndicat de la critique française, qu’Amandine a contacté au moment des faits, publie un communiqué s’excusant pour les erreurs commises. Le syndicat l’a forcé à dire le nom de son agresseur, lui a répondu qu’il n’était pas compétent sans autres perspectives. Puis, a envoyé un courriel à ses membres dans lequel se trouvait un soutien à une revue tenue par l’agresseur d’Amandine et un appel pour les victimes de VSS à le contacter au besoin. Une décision éditoriale, sans doute mise sur le compte de la pensée complexe et de la maladresse inconséquente. Vécue comme un crachat.

Je ne vais pas ou peu aux rassemblements et événements entre critiques. Tu y vas systématiquement. Je remarque que c’est un milieu entièrement constitué d’hommes. Tu le vois aussi, le ressens un peu moins. Je fuis un climat que j’ai peur de découvrir comme toxique. Tu l’affrontes. On m’offre parfois des opportunités que tu n’as pas. Je suis non-homme et un quota. Tu as de la facilité à être pris au sérieux. Tu es un homme et tu cites Godard. Moi, je chante les louanges de Varda. Oui. C’est un cliché. Ta condition de critique se distingue de la mienne par les rapports de genre. 

Il est impossible d’appeler ça de « nouvelles révélations ». Ce ne sont que des confirmations de ce que l’on sait tous déjà : tous les milieux sont structurés par le patriarcat, la violence sexuelle ou psychologique envers les femmes en est l’une des vertèbres. Si le choc émotionnel est toujours là –comment pourrait-il en être autrement face à ces témoignages, l’étonnement, lui, n’y est plus. Pourtant les réactions ne semblent pas bouger. Comme le prouve le communiqué catastrophique que la cinémathèque a publié après les révélations faites par Politis sur les accusations de mauvais traitements et d’actes misogyne perpétrés par l’institution. Discréditer les victimes semble être la stratégie la plus en vue. Les témoignages se suivent et se ressemblent. Toujours plus d’acteurs, de réalisateurs, de producteurs, de techniciens, de critiques, de journalistes… Toujours plus de témoignages qui ne sont pas encore sortis.

Mais aussi. Nous sommes critiques et donc pigistes. Nous n’avons pas de contrats fixes. Une rémunération relativement faible, aucune garantie salariale stable. Nous avons des chefs. Pas vraiment chefs parce que pas vraiment employé·es. On les appelle des rédacteurs, en chef, quand même. Nous sommes dépendant·es de leur bon vouloir. Des critiques qu’ils nous accorderont. Nous voulons qu’ils nous aiment bien. Nous voulons continuer à écrire. Nous adhérons en partie à un climat de méritocratie et de copinage. Quand nous rencontrons d’autres critiques, nous savons toujours quelles opportunités pourraient advenir de quelles conversations, de quels liens, ou d’amitiés. Nous avons conscience de notre position subordonnée quand nous discutons avec eux. Nous voulons continuer à écrire. 

Le milieu de la critique a ça de particulier qu’il est de plus en plus structuré autour de la précarisation de ses acteur.ices. Les témoignages d’Amandine et Noémie sont équivoques à ce propos. Le capitalisme, adossé au patriarcat, crée des agresseurs mais aussi des victimes. Point commun, les hommes qu’elles accusent sont des personnes influentes. Importantes pour les revues d’Amandine et Noémie, nécessaires pour leur stabilité économique, pour leur avenir professionnel et ceux de leurs collègues. Le journalisme, encore plus celui de la niche du cinéma, est un rêve dans lequel on rentre à coup de sacrifices, de textes gratuits ou peu rémunérés, de side project, d’argent dépensé, de réseaux et de copinage. Le résultat est que le pouvoir se concentre dans les mains d’autres. Pas beaucoup, juste assez nous rendre vulnérables. 

Nous avons lancé un podcast il y a presque un an. Nous y parlons de cinéma documentaire. Nous avons du mal à le faire marcher. Nous ne nous rémunérons pas. Nous avons acheté notre propre matériel. Avons dépensé plus de 1000 euros. Si l’on venait nous proposer de l’aide ; sans doute que nous l’accepterions. 

Il devient clair que la lutte contre les violences sexuelles ne se fera pas uniquement sur le terrain de la dénonciation et de la justice. C’est un début, celui de rendre visible, de faire de ces sujets des sujets, tout simplement. 

Nous n’avons pas subi de violence. Pas de rapports abusifs, pas d’abus sexuels. 

Mais il nous faudra ensuite transformer, retirer le pouvoir de vie ou de mort, déprécariser le milieu. La circulation de l’argent, du capital social et symbolique est la clé. Le silence qui a, une fois de plus, entouré le témoignage d’Amandine, comme celui qui entoure le procès d’Ultia dans le milieu du stream, est la meilleure arme dont le patriarcat dispose. Nous nous devons d’agir collectivement pour le bien de tous.


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