Par Jessica Das Neves Ferreira
Notre backpackeuse préférée, Jessica, est de retour à la rédac. En quelques semaines se sont entrechoquées pas mal de choses pour elle : la redécouverte de la France, une loi cruciale sur le consentement passée sous (relatif) silence médiatique, et l’envie d’écrire à nouveau. Tout ça se mélange et donne ce billet.

Salut les Motusien·nes, j’espère que vous allez bien. Je reprends la rédaction chez Motus après une pause d’un an, et quel plaisir ! À l’heure où j’écris ces lignes, cela fait 4 mois que je suis rentrée en France. Malgré une réadaptation en dents de scie, je suis heureuse de pouvoir reprendre mes actions militantes, et c’est à ce titre que je vous écris.
J’ai passé un an en Australie. Là-bas, le harcèlement de rue, ça n’existe (presque) pas. J’ai aussi vécu dans un environnement de voyageurs·euses, dans un monde un peu bisounours où l’on vit d’amour et d’eau fraîche. Alors quand à mon retour en France, un groupe d’hommes me demandent dans la rue combien je prends, le choc de la réalité me revient en pleine gueule. J’en ai marre, je ne veux pas me taire, mais surtout, je veux agir. Sauf que : je réalise que malgré ma connaissance théorique, je n’ai pas les outils concrets pour (ré)agir en cas de violence.
J’ai un souvenir plutôt sordide d’une jeune inconnue rencontrée en soirée qui se faisait agresser sexuellement. Je voyais bien qu’elle se “laissait faire”, son langage non verbal traduisait son non consentement. Tout le monde pouvait le remarquer. Elle était alcoolisée, droguée et très jeune. Un groupe de mecs plus âgés se l’accaparait telle une poupée qu’on se passerait de mains en mains. Ma seule solution a été de la sortir du groupe et de la ramener à ma colocation. Qu’elle soit dans un lieu safe, sans danger. Elle n’avait pas l’air de réaliser la gravité de tout ce qui venait de se passer. Je savais quoi lui dire, la rassurer, la soutenir. Mais je ne savais absolument pas comment l’aider à obtenir justice, à empêcher la reproduction d’une telle situation. Et de toute façon, c’était son choix d’entamer ou non une procédure. Mais il était de mon ressort de connaître mes droits en tant que femme et que faire dans de telles situations. C’est dans ces circonstances que je me retrouve à suivre les formations contre les Violences Sexistes et Sexuelles (VSS) de Nous Toutes. Si vous ne les connaissez pas, Nous Toutes c’est un collectif féministe qui a pour objectif d’en finir avec les VSS (rien que ça). La formation, en visio, me frappe. Elle me frappe puisqu’elle met des mots, des mécanismes, sur tant de violences que j’ai vécues. Ce billet, qui s’inscrit aussi dans l’actualité d’un changement important dans la loi pourtant passé inaperçu, est aussi une incitation : formez-vous. Avoir vécu des situations de violences sexistes ET/OU sexuelles (eh oui, il y a aussi des violences juste sexistes, ça vaut le coup d’en parler!) ne veut pas forcément dire avoir les outils et connaître le champ d’action et de réaction possiblement mobilisable.
Je ne vais pas vous décrire chaque type de violences qui existe, mais voici une illustration qui vous les hiérarchise, et qu’il est toujours bien de resservir :

Déjà, je découvre que les paroles sexistes sont punissables d’une amende, que ce soit dans le cadre privé ou public. Puis, on en vient à parler des agressions sexuelles et des viols. Jusqu’ici, la loi les définissait comme “une atteinte sexuelle avec violence, menace, contrainte ou surprise”, avec pénétration sexuelle pour le viol. Rien sur le fait que non, ce n’est pas parce qu’une femme ne se débat pas, qu’elle consent.
Cela dit, le 1er avril 2025 justement, une proposition de loi a été faite à l’Assemblée Nationale afin de réformer leur définition pénale en y incluant la notion de consentement. Aujourd’hui, ils sont définis comme “tout acte sexuel non consenti”. Le consentement quant à lui, devra être “libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable”. Dans un contexte politique international où les minorités sont attaquées de toutes parts – Trump et ses mesures anti-IVG, Musk qui fait un salut nazi en toute impunité, la marche des fiertés interdite en Hongrie… – il est crucial de graver dans le marbre juridique la notion de consentement.
D’après Nous Toutes, en France, 250 femmes sont victimes de viol ou de tentatives de viol chaque jour. Il faut comprendre que les VSS ne sont pas des faits isolés. Elles s’inscrivent dans un continuum de violences, au croisement du sexisme, du racisme et du rejet des minorités. Il y a aussi une montée en puissance des mouvements masculinistes et notamment de la culture incel (pour “involontairement célibataire”) : une communauté d’hommes, souvent hétérosexuels, qui cultivent une haine des femmes qu’ils accusent de les rejeter. Certains incels vont jusqu’au harcèlement, voire à des féminicides. Ce mouvement, profondément lié à l’extrême droite, gangrène les réseaux sociaux et les esprits.
Si le sujet vous intéresse, je vous recommande vivement la série Adolescence sur Netflix. On y suit l’enquête autour d’un garçon de 13 ans, soupçonné du meurtre d’une fille du même âge. À travers une réalisation oppressante avec des plans séquences, la série dresse un portrait glaçant de la violence genrée et de la radicalisation masculiniste dès l’adolescence.
Et pour finir, un dernier chiffre qui en dit long : sur les 56 député·es qui ont voté contre l’introduction de la notion de consentement dans la loi, 41 appartiennent au Rassemblement National. Aucun·e de leur camp n’a voté pour. Quand des élu·es préfèrent maintenir une définition floue du viol et de ses contours, ils défendent les agresseurs. Alors non, je crois qu’ici je ne vivrai plus d’amour et d’eau fraîche. Je remplace les plages australiennes par les pavés brûlants de ma colère.
Je conclurai simplement en citant Albert Camus : “La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité.” Continuons la lutte, encore et toujours !

Liens utiles :
- Le Violentomètre, URL : https://mairie10.paris.fr/pages/prevenir-les-violences-faites-aux-femmes-decouvrez-le-violentometre-15148
- Les dispositifs d’aide et d’accompagnement des VSS, URL : https://docs.google.com/document/d/1lAa25mqVYlPWnkOwb2xJUyrqT1VCwZdR9kV1FVVbkqE/edit?tab=t.0
Sources :
- Noustoutes.org
- Adolescence Netflix
- Masculinistes et « incels » : de la haine des femmes en ligne à la violence physique, France24, URL : https://www.france24.com/fr/france/20250223-masculinisme-incels-haine-des-femmes-en-ligne-r%C3%A9seaux-sociaux-violence-physique-sexisme-f%C3%A9minicide
- Analyse du scrutin n°1202, URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/scrutins/1202
- Formations Nous Toutes contre les VSS