Depuis quelques jours, nous suivons avec attention, comme vous peut-être, la « Freedom Flottilla », un convoi humanitaire qui était parti il y a quelques jours avec à son bord nos camarades activistes Rima Hassan (eurodéputée depuis l’été dernier), Greta Thunberg et plusieurs ressortissants français. La nuit dernière vers 2h du matin, l’armée israélienne a intercepté illégalement leur bateau, coupé les communications et détient depuis les activistes (on le rappelle : ces 12 personnes sont désarmées, humanitaires, militantes ou journalistes et avaient pour seule ambition d’apporter du ravitaillement à la population de la bande de Gaza, affamée en pleine conscience par Israël).
Depuis cette nuit, des rassemblements sont organisés partout en France et dans le monde pour demander la libération et la protection de ces courageuses personnes qui n’ont fait que mettre en lumière la facilité avec laquelle un état génocidaire s’assoit sur les droits humains. En plus de commettre un génocide largement reconnu – le premier de l’Histoire humaine qui soit diffusé en direct sur les réseaux sociaux, l’Etat d’Israël nous crache dessus en faisant de ses pratiques coloniales fascistes la nouvelle loi internationale. L’inversion des valeurs est totale : l’acheminement d’aide humanitaire devient un crime, et les activistes deviennent les terroristes. Le collectif Urgence Palestine est toujours sous menace de dissolution, et le président renonce à la reconnaissance de l’Etat de Palestine, qu’il avait un temps brandi comme un paravent à son inaction déprimante. Pourtant, le récit de cette arrestation du Madleen (le nom du bateau affrété par la flottille) tel qu’il est fait dans les grands médias nous semble faire l’impasse sur des informations qui sont souvent questionnées sur les réseaux sociaux.
Voici un condensé de réponses qui seront mises à jour au fur et à mesure de l’avancée de la situation :

- Ça sort d’où cette Freedom Flottilla, ils en profitent pour faire leur com’ ou quoi?
Des flottilles sont affrétées depuis 2008 pour accoster à Gaza qui est sous blocus illégal depuis 2007.
L’Humanité rappelle ainsi ce matin : « en 2010, l’attaque du Mavi Marmara par des commandos israéliens avait fait neuf morts, révélant, déjà, la brutalité d’un État prêt à tout pour maintenir son emprise coloniale. Quinze ans plus tard, l’histoire bégaie, même si cette fois-ci, aucun militant n’a été blessé, ni tué fort heureusement. »

- Pourquoi 12 occidentaux attirent plus l’attention que le génocide d’un peuple entier ?
Parce c’est sur nos propres complicités qu’il faut attirer l’attention. Sur nos indifférences, nos apathies et nos angoisses privilégiées mal dirigées. Les palestinien·nes n’ont pas besoin de nous pour se défendre, leur résistance s’organise depuis des décennies et inspire de nombreuses luttes. C’est donc sur notre capacité à accompagner cette résistance et à empêcher l’impunité de notre Occident que l’attention se focalise. Logique, finalement. Les Gazaoui·es ont autre chose à faire que de quémander notre attention.
- Un petit bateau n’aurait pas pu ravitailler 2 millions de Gazaoui·es affamé·es
Non, et c’était bien clair dès le départ de la flottille. Rima Hassan, Greta Thunberg, les journalistes et humanitaires à bord de ce bateau ont concentré l’attention médiatique dans l’espoir que cette pression populaire permette de créer une brèche dans la machine à affamer génocidaire. Une brèche dans laquelle le reste de l’aide humanitaire pourrait s’engouffrer, car chaque convoi, chaque cargaison sauvent des vies. Notre rôle n’était pas d’espérer sauver le monde, mais d’être à la hauteur de cette brèche.
- L’issue était déjà connue : tout ça ne servait à rien
La flottille est la figure de proue de nos révoltes collectives. Avec des personnalités diplomatiquement et médiatiquement importantes, elle peut faire paratonnerre pour la suite, mettre en lumière l’impunité d’Israël de manière limpide et schématique. Et qu’importe l’issue, n’importe quelle tentative pour apporter de l’aide à une population génocidée est loin d’être vaine. Elle rappelle qu’on essaiera tant qu’il faudra, peu importe l’issue, car c’est ce qu’on appelle la « dignité du présent ». Il ne s’agit pas de « servir à quelque chose » : à ce stade il s’agit de savoir comment vivre notre court laps de temps sur terre sans se couvrir de honte.
- C’était pour le buzz de toute façon
Bien sûr que c’était pour le buzz : le buzz et la pression populaire sont le seul bouclier des activistes palestiniens face à un génocide live stream. Le buzz est un moyen, la fin étant d’apporter n’importe quelle aide possible au peuple palestinien, de mettre à mal l’impunité d’Israël et de forcer les pouvoirs diplomatiques – seuls en capacité de faire quelque chose de militairement contraignant – à se mobiliser.
- Rima et Greta sont nos martyres
Non, ici on ne glorifie pas le sacrifice de militants. Que l’impuissance nous pousse à trouver du réconfort dans cette bravoure est humain, pour autant c’est collectivement et en protégeant les voix qui portent d’une répression sans vergogne que nous sommes les plus efficaces dans la lutte. Greta et Rima ne devraient pas avoir à être des hameçons humains pour que les idiots utiles de l’époque commencent à se poser des questions. Leur courage nous oblige à ne pas les sacrifier pour avoir bonne conscience.
- Greta est écolo, rien à voir
>> cf Oïkos x Urgence Palestine
- Israël ne fait rien de mal : il va juste renvoyer les activistes dans leur pays d’origine
Mais commençons par le début : de quel droit Israël arrête et détourne un bateau humanitaire dans des eaux internationales ?
Eh oui, c’est ça la question qui devrait être posée sur toutes les radios.
Arrêter et détourner un bateau c’est de la piraterie. Empêcher l’accès à l’aide humanitaire est un crime contre l’humanité. Détenir en captivité des activistes, c’est une prise d’otages. Exterminer un peuple entier après des années de colonisation, c’est un génocide. Les mots importent, renversons-les : les criminels sont les armées israéliennes et leurs complices. Le silence est non seulement une lâcheté mais un crime. Pour rappel, Netanyahu est sous mandat d’arrêt par la cour pénale internationale.
- C’est fini maintenant, les activistes vont rentrer
Israël aurait eu peu intérêt à ce que l’arrestation des activistes et du Madleen ait été violente : d’où les images tranquilles, la distribution de denrées et la coupure des communications ensuite. Mais si les activistes ne sont pas tués, rien ne peut les protéger des geôles et tortures israéliennes, ni de « dérapages » loin des caméras. Nous sommes les porte paroles, non seulement de ces 12 activistes, mais aussi de toutes les voix qu’Israël fait taire. On a la démonstration des méthodes en direct, sous nos yeux.
- C’est pas si grave
C’est sûr. Pendant ce temps, le génocide se poursuit, et un enfant est blessé ou tué toutes les 10 minutes à Gaza (source : UNICEF). Mais qu’une élue de la République, membre du Parlement Européen ne passe ne serait-ce qu’une minute en détention sans aucune justification de droit international et en plein crime contre l’humanité, alors qu’on n’a plus de ses nouvelles depuis bientôt 24h et que son bateau a été détourné par une armée qui bafoue le droit international ; cela sans la moindre réaction du Président de la République ou des pouvoirs en place, est un signal d’alarme qui confirme notre lucidité : ce n’est pas de l’impuissance politique, c’est un alignement des gens de pouvoir sur la ligne de la complicité.
Nous n’attendons rien d’eux mais ne cesserons pas de leur demander. Nous assistons à un génocide et nous nous mobilisons pour 12 activistes emprisonnés. Nous sommes sans-voix et nous allons crier. Nous combattons le fascisme des temps modernes, qui s’étend au-delà du visible. Nous n’agirons pas parce que nous savons que nous aurons la victoire, nous faisons simplement ce qui est juste. Nous ne lâcherons pas des yeux ce qui se joue.
Libérez la Palestine, laissez la Freedom Flottilla naviguer.
Notre média est à disposition.