La force du collectif, entretien avec Elodie Nace

Par Soldat Petit Pois

En plein hiver, alors que beaucoup d’entre vous je le sais, galèrent à se chauffer, à payer l’électricité, alors que beaucoup d’entre vous aussi peut-être, manifestent régulièrement contre la réforme des retraites du gouvernement, on pourrait se dire que les combats écolos passent au second plan. Mon invitée du jour sur Oïkos, notre podcast écolo, porte tout le contraire : une écologie sociale, qui se tient grâce à la force du collectif, et à une lutte globale contre les aberrations de notre temps, qui vont souvent de pair.

J’ai le plaisir aujourd’hui de recevoir sur Oïkos, une militante chevronnée du mouvement climat, Elodie Nace, porte-parole d’Alternatiba Paris. Elle a accepté de retracer son parcours d’engagement au micro, on a parlé ensemble d’Alternatiba, de justice sociale, de prises de parole dans les médias et de bien d’autres choses. 

L’épisode est à disponible sur toutes les plateformes d’écoute.

La prime au nul

À tous les rabats-joie de notre époque pourrave. Ceux qui ne laissent rien passer, même pas les petites euphories passagères. À toutes les prises de tête, haut les coeurs.

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J’en ai marre de toi. Tu me gaves. Tu me soules. Tu me sors par les trous de nez. Ouais, toi. Avec ta chemise ajustée et ton Apple Watch, tes shampoings solides et ta propagande pro-vélo. J’en ai marre de toi, et de tous les salopiaux de ton espèce.

            Il est 00h02. 2023 vient de poindre. Tu as déjà ricané en disant que tu ne souhaitais rien parce que de toute façon, toutes les années sont nulles. Tu t’es plaint dans l’ordre : de Macron, de ton intestin fragile, de la qualité de la playlist, du prix de l’immobilier à Paris, du manque de transport en communs en « province », de la dégénérescence de la gauche, de ton collègue con.

            Tu as soupiré quand on a bu du vin dans un verre sans pied, tu as été déçu qu’on mange des pâtes pour le nouvel an, tu as passé la soirée à fumer car de toute façon, tu t’en branles du cancer du poumon. Tu as ri parce qu’on était stressés pour rien, tu as plongé dans ton téléphone quand tu as entendu nos conversations superficielles.

            En 2022, déjà, tu avais jugé médiocre la qualité des livres qui paraissent, des films qui sortent, tu avais eu envie d’être de niche, de rester enfoui sous ton dédain. Tu as méprisé les personnes que tu as croisées, toutes engoncées dans leurs préjugés, dans leur vision de la vie (la mauvaise), dans leur petite culture normée (pas la bonne).

            Tu trouves que le monde part en couilles et que ceux qui se bougent le font de la pire des manières, tu les trouves lents, trop gentils, tu les trouves stupides, tu les trouves ridicules. Tu penses qu’il faudrait faire autrement, tu ne jures que par les théories des gens qui te ressemblent. Tu méprises les réseaux sociaux, tu méprises la facilité, tu méprises les failles et comment les autres les comblent. Tu méprises aussi les gens parfaits, tu trouves qu’il faut de l’imperfection là où tu ne la permets jamais.

            Tu penses qu’il n’y a rien à faire en politique, qu’il ne faut pas voter, que ça ne sert à rien. Tu es convaincu que le monde est une tâche, que la vie est une merde, que les gens ont une propension à la bêtise que seuls peu d’entre nous savent éviter.

            Tu n’aimes pas les dîners, tu n’aimes pas les beaux quartiers, tu n’aimes pas la musique « commerciale », tu n’aimes pas la solitude, tu détestes les autres quand ils ne veulent pas de tes conseils, de ton halo de révolutionnaire chevronné. Leurs idées encrassées, leurs routines déprimantes, la façon dont ils s’accrochent au système que tu hais.

            Et ce qui m’embête, c’est que tu as souvent raison. Ce qui m’agace, c’est que je suis d’accord avec toi, sur beaucoup de points. Mais tu comprends, il est minuit deux, et là j’ai juste envie de me vautrer dans ce qu’il nous reste comme joie. J’ai envie que tu la fermes et que tu redescendes parmi le commun des mortels. J’ai envie que mes amis ne se sentent pas idiots, et qu’on ait l’impression qu’on peut encore s’accrocher à quelque chose. J’ai envie que l’empathie compte, qu’elle n’efface pas les théories, mais qu’elle les contrebalance. J’ai envie qu’on arrête de critiquer tant qu’on a pas fait mieux, j’ai envie qu’on réfléchisse et puis qu’à certains moments on réfléchisse pas, qu’on s’autorise les plaisirs simples sans tout intellectualiser, j’ai envie de croire que je suis une bonne personne, j’ai envie de passer une soirée sans dépit, sans dédain, sans désespoir.

            Tu restes planté là, les yeux qui savent mieux, le jugement au bord des lèvres, la déprime calquée sur ton apathie condescendante. Tes leçons de morale, tes vomis intellectuels, ton confort moral, fous-toi les où je pense. J’en peux plus de cette prime au nul, à la destruction, au saccage des bonheurs. On le sait, que tout est naze, ton disque est rayé et la mélodie est grinçante. Je suis pas débile, je veux juste survivre, survivre en espérant un poil de beauté.

On est en 2023. Y’en a qui peuvent plus se permettre de ne pas rire, être un peu naïf et bon. Toi t’as raison, mais t’es triste. Et moi je sais plus quoi faire de toutes ces contradictions dans mon crâne. Alors la fête continue.

Extinction Rebellion : activistes de l’autre côté de la Manche

Par Soldat Petit Pois

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Ce qu’il y a de bien, avec les parents, c’est qu’ils partagent avec vous, malgré tout, les dilemmes des générations précédentes, leurs victoires et leurs trajectoires. C’est une histoire de trajectoires qu’on va vous raconte dans le dernier épisode d’Oïkos, notre podcast écolo.

Toute mon enfance, j’ai entendu parlé d’Alain, cet ami très cher de mes parents, qui avait déménagé en Angleterre et rencontré cette sympathique écossaise, Carol. Nous nous sommes croisés à quelques reprises, comme on croise les amis de ses parents, en croyant toujours que nos problématiques sont éloignées.

🌱 Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai appris il y a quelques temps qu’Alain et Carol faisaient partie d’Extinction Rebellion en Angleterre, ce mouvement mondial de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le réchauffement climatique, lancé en octobre 2018 au Royaume-Uni.

Bref, en discutant avec mes parents, il est devenu évident qu’il fallait qu’on enregistre un podcast ensemble. Un an plus tard, Alain et Carol ont accepté l’invitation et j’en suis plus que ravie!

👉 Écolo dans sa jeunesse, Alain nous raconte comment il s’est fait aspiré par la vie d’adulte avant de revenir à ses premiers combats il y a quelques années, et Carol nous partage son engagement venu d’un constat simple : il n’y a plus le choix.

On a beaucoup discuté, et je suis très heureuse de vous partager notre échange international dans ce nouvel épisode d’Oïkos!

À PLEIN NEZ

Par Charlotte Giorgi

Ce matin, un billet qui parle de nos petits défauts de courage, de nos erreurs étroites, des moments vraiment pas grands où l’on s’écrase dans le système, et qui permettent, paradoxalement, de lutter efficacement pour les causes que l’on chérit.

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            Quand je marchais dans la rue, hier, au passage piéton, une odeur d’essence m’a pris à la gorge. J’ai toujours eu l’habitude de lutter. De me boucher le nez. De ne pas respirer ce truc. Ma mère m’a souvent dit que respirer ces odeurs-là, « c’est pas bon ». J’ai toujours eu l’habitude de lutter.

            Pourtant, comme la plupart des gens, il y a toujours eu ce truc séduisant pour mes narines dans l’essence ou le gazoil.

            C’est un peu une métaphore de ma vie, de la force que j’y mets chaque jour pour forcer mon chemin entre des détails. Choisir les choses pour les faire bien, ne jamais flancher, ne jamais prendre le risque qu’un de ces à-côté ne viennent ruiner tout le reste. Avancer le nez bouché. Ne pas céder.

            Je ne sais pas si c’est la fatigue, ou l’agacement, ou même une certaine forme de luxure qui s’est réveillée au fond de moi, mais toujours est-il qu’hier, j’ai respiré l’odeur de l’essence à pleins poumons. Ça sent bon. Ça sent fort. Ça balaie tout à l’intérieur.

            Je me dis que c’est quand même aussi ça la vie. Faire les trucs dégueu. Se vautrer dans ce qui ne va pas. Profiter des choses crasses. Être simple. Se laisser porter. Perdre le contrôle.

            Ces choses-là paraissent un peu anecdotiques. Je veux dire, elles ne sont pas de ces qualités qu’on se plaint de ne pas posséder. Mais en respirant l’essence, j’ai pensé à quel point elles étaient absentes de ma vie.

            Quand on s’engage, le chemin est tortueux. Il fait des allers-retours. Il y a des doutes, mais aussi de la surenchère. La surenchère de la perfection. Cocher toutes les cases, par cohérence. Ne pas fauter, par éthique. Ne rien manquer, par conscience. Comme si la moindre déviation pouvait nous rayer de la carte militante, comme si tous nos actes devaient être le reflet parfait du nouveau monde, dans l’ancien monde encore si imparfait. Et je comprends cela. C’est un barrage aux excuses de merde. Parce que des paravents à l’action, on peut en fabriquer des caisses, sous la bannière « je ne suis pas parfaite ».

            Si je respire l’odeur de l’essence, il faut que je sache qu’il s’agit de plaisirs égoïstes, de rien d’autre, c’est tout. Il faut que je prenne mon pied sans me mentir à moi-même, sans mentir aux autres. Il ne faut pas que je dise « je suis imparfaite, j’essaye de faire de mon mieux ». Il faut que je dise : « je suis une merde, comme les autres ». Là seul réside mon petit salut. Celui de la conscience au-delà de la bonne conscience. Celui qui fait qu’on peut continuer à marcher de traviole, sans pour autant perdre de vue la direction de cette pathétique randonnée.

            L’odeur de l’essence comme ces millions de petites brèches, qui viennent si souvent ébranler nos édifices solides, faire tomber les cartes de nos mains, dévoiler au monde notre impuissance bien humaine. Celles qui font qu’on peut parfois penser que ce que l’on fait est vain, que l’on ne mérite pas de faire partie de ceux qui se battent.

            Comment faire quand on veut tout à la fois, et est-ce si utopique de penser qu’on pourrait avoir la lutte chevillée au corps, quelle qu’elle soit, et la jouissance qui nous prend parfois à se rouler dans le système dans les recoins qu’il nous laisse ?

            J’aimerais pouvoir concilier les deux. Pas parce que ça m’arrange bien, même si c’est le cas. Mais parce que pour l’avoir testé, je crois qu’il n’y a pas de cause pérenne sans un soupçon d’enthousiasme à fauter, de vie et d’erreurs.

            Je crois que je ne dois pas renoncer à l’odeur de l’essence. Mais la respirer avec la conscience claire, la faute transparente, le chemin intact.  

Sea Shepherd, les pirates de l’écologie

Iels sont les seuls pirates qu’on peut avoir envie de croiser sur notre chemin. Iels veillent sur les océans depuis près de 50 ans, et désobéissent, risquant parfois jusqu’à leur vie pour protéger les écosystèmes marins face aux forces de destruction implacables qui s’exercent chaque jour.

Il s’agit évidemment de l’association Sea Shepherd, que nous avons eu le plaisir de recevoir au micro d’Oïkos dans un nouvel épisode, en la personne d’Élodie Pouet.

Alors que la France a sous sa responsabilité la 2e plus grande surface maritime au monde, et est le seul pays à être présent sur tous les océans de la planète, nous avons pu leur poser nos questions sur leur combat de toujours. Bonne écoute!

La finance verte existe-t-elle ?

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Saviez-vous que changer de banque est peut être l’une des actions écolo individuelles les plus pertinentes pour lutter contre le dérèglement climatique ? 

Eh oui, parce que même si ce n’est pas forcément notre idéal, l’argent n’est pas une donnée négligeable dans notre société. Et celui qui dort sur nos comptes bancaires fait une grosse différence, selon qu’il est investi pour développer le nouveau monde ou… achever de détruire l’ancien. 

Je vous le concède, comme beaucoup de citoyens, je ne suis pas très calée en finance. Ça ne m’a jamais plus intéressée que ça. J’ai même toujours eu tendance à considérer le monde de l’argent comme un peu… sale. Loin des engagements, en tout cas.

Et pourtant, heureusement que des militant·es mettent leur nez dans les affaires de ceux que nous laissons aux commandes. C’est le cas de Reclaim Finance, une ONG que préside Lucie Pinson, une militante chevronnée que nous avons reçue au micro d’Oïkos dans ce nouvel épisode.

« Nous sommes convaincus que la finance est un levier critique dans la lutte contre le dérèglement climatique. Mais aujourd’hui, la finance dominante demeure aux antipodes des objectifs de justice sociale et climatique. Et contrairement à ce que la popularité croissante des thèmes liés à la finance durable peut laisser croire, la quasi-totalité des services financiers est consacrée au développement de pratiques fondées sur la consommation d’énergies fossiles et la surexploitation des ressources naturelles.

Notre vision est un système financier au service des impératifs sociaux et écologiques et d’une transition vers des sociétés soutenables qui articulent la préservation des écosystèmes et la satisfaction des besoins fondamentaux. »

Une conversation éclairante, disponible sur toutes les plateformes d’écoute !