MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
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Nous ne sommes pas à votre disposition

Par Charlotte Giorgi

Photo de Marcelo Leal sur Unsplash

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Avant-hier, j’ai passé une journée à attendre. Pas l’attente jolie, excitée, enthousiaste. Celle qui retourne les boyaux et qui serre les nerfs à la pince.

Thomas Brail, militant écologiste, après sa grève de la faim, entamait une grève de la soif pour demander la suspension des travaux de l’autoroute A69, et nous apprenions qu’il était à l’hôpital à l’aube, refusant encore toute perfusion de réhydratation. Dans une interview la veille, il affirmait être prêt à « aller jusqu’au bout ». C’est quoi le bout, quand on est militant écologiste en France en 2023, qu’on a un enfant et qu’on se rapproche dangereusement de la mort pour préserver la vie ?

            Le bout, j’avais la sensation qu’on le touchait, ce matin-là, du bout des doigts. Il ressemblait à de l’absurde en bloc, une bonne poignée de grotesque mêlé à une dignité démesurée.

Ce matin-là, il me semblait que mes camarades et moi attendions la fin et cela, bien sûr dans l’indifférence quasi générale. Malgré nos interpellations et notre agitation depuis des mois, politiques et grands médias restaient désespérément silencieux.  Nous attendions l’issue, qui ressemblait fort à « l’écologie ou la mort ». Les heures défilaient et mettaient à l’épreuve les corps – ceux de Thomas et de ses camarades grévistes – et les esprits hagards, vide de solutions. Nous attendions la mort.

            Ce projet de l’A69 ne me touche pas directement. Je veux dire par là, qu’évidemment, je suis mobilisée vent debout contre cette aberration, mais que cette autoroute ne ravagera pas un territoire que je connais, et que ce n’est pas une lutte locale qui me concerne au premier titre – il y en a d’autres, comme le BIP val d’oisien une deux fois deux voies équivalentes qui ravagerait le territoire où j’ai grandi (ne vous en faites pas, il y a tant à faire). Pourtant, pas une voix ne semblait devoir manquer dans ce combat. La mienne y compris. J’ai abandonné ma journée de travail, mue par une exigence éthique face aux renonciations de mes camarades.

Pourtant, la lutte contre l’A69, en plus d’être localement située, semble archi consensuelle. Et c’est bien ce qui m’interroge. Plusieurs centaines de scientifiques ont rédigé des tribunes contre le projet, et même résumé en une phrase (une autoroute et des hectares de terres ravagées pour gagner 12 minutes sur un trajet qui existe déjà,) tout cela semble absurde. Alors en tant que militante écologiste, disons-le : j’ai profondément honte que tant de moyens doivent être déployés contre un tel contre-sens historique. J’ai honte que ce soit ça, notre mobilisation du XXIe siècle. J’ai honte que nos engagements soient mis à profit, que nos forces soient aspirées, que nos vies soient déroutées par ce projet minable. Qu’on ne soit pas en train de protéger celles et ceux qui souffrent dans leur chair du dérèglement, ou d’imaginer d’autres possibles. – Je sais, je sais, les deux sont compatibles. Loin de moi l’idée de nous auto-blâmer : nous composons avec notre siècle (notre cirque, plus exactement). Mais je crois que c’est cela qui me tétanisait, ce matin-là, à attendre les nouvelles de l’hôpital.

Je ne devrais pas être en train d’écrire mon deuxième billet sur le sujet en à peine un mois. Nous, militant·es écologistes, citoyen·nes engagé·es, avons d’autres chats à fouetter.

            Pourtant nous semblons y être, ça y est. Ça y est peut-être depuis un petit moment d’ailleurs. Arrivé·es à ce moment de l’histoire où il nous faut maltraiter nos corps jusqu’à la mort possible pour nous faire entendre de manière minimale sur un projet bateau dont même un enfant de 3 ans serait à même de comprendre l’incohérence.

Je suis tétanisée du poids que l’on nous fait porter, je suis tétanisée de ce temps de lutte qui nous est volé par ces « projets inutiles » comme on les appelle si bien. Je suis tétanisée que nos vies soient à disposition d’aussi petites victoires, qui ne sont pas des avancées mais l’évitement de reculs mortifères.

            Je suis aussi touchée par ces postures sacrificielles militantes qui semblent être les seules à faire réagir désormais, pour nous qui avons déjà à porter les traumatismes de l’an dernier. C’est d’ailleurs en discutant de mon inconfort, de mon angoisse profonde de la situation que j’ai réalisé le point auquel les évènements qui ont frappé la sphère écologiste l’an dernier m’ont traumatisée. La répression, la violence des grenades de Sainte Soline, mes ami·es traqué·es, menacé·es, la haine, les injures et les coups de matraque, la démocratie pendant ce temps qui s’effiloche à grands renforts de 49.3. Eh, je n’ai pas digéré ! Attendez pour me demander de mourir ! Voilà, égoïstement peut-être, il me semblait choquant qu’il me faille potentiellement me mettre en danger, qu’il nous faille désormais une fois de plus malmener nos corps, pour faire des demandes qui paraîtront ridicules aux enfants que nous aurons peut-être. – Nous ne demandons même pas l’arrêt immédiat et sans conditions du chantier mais la suspension pour un moratoire, c’est dire.

            La matinée se finit dans un soulagement relatif. Une brève annonce seulement, répond au silence assourdissant des pouvoirs publics. Les travaux sont suspendus pendant 3 jours. Un homme a failli mourir, et nous avons gagné trois jours.

            Je respecte infiniment mes camarades grévistes de la faim et de la soif.  Mais je ne supporte plus ce que nous demande cette époque, et j’espère que nous serons nombreux·ses à refuser les exigences de cette dernière. Je ne me laisserai pas mourir pacifiquement. Je veux me débattre, crier, vivre et lutter encore. Lutter en forme et en santé, lutter auprès de mes ami·es, sans nous résoudre à nous regarder disparaître lentement, comme toutes les espèces que nous tentons si désespérément de sauver.  

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