MÉDIA ENGAGÉ SUR LES ONDES
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Les autres, que faites-vous?

Par Charlotte Giorgi

Photo de Matt C sur Unsplash

Vendredi. Clémence Guetté, députée France Insoumise, est invitée sur France Info. Le tintouin est en boucle depuis deux mois. Deux mois que le Hamas a massacré les Israëliens, environ mille sont morts. Et depuis, chaque jour, un enfant palestinien est tué toutes les 6 minutes. Près de dix fois plus. Les souffrances ne devraient jamais avoir à se faire la guerre en comparaison. Mais quand les ordres de grandeur sont si distordus, il est parfois de notre devoir de les replacer sur la table, au centre de l’échiquier.

Le tintouin est en boucle depuis deux mois et nous gave comme des oies.

Vous avez de la peine pour les victimes israéliennes ? Vous avez pleuré combien de larmes ? Vous condamnez ? Vous condamnez ? Vous condamnez ? Je vous pose quinze fois la question : même si votre réponse est digne, on se souviendra davantage de l’insistance déformante et du hors sujet qui devient sujet !

Pendant ce temps, la situation humanitaire à Gaza est apocalyptique. Notre humanité disparaît à l’horizon de cette bande de terre éreintée, laminée, ravagée, où se terrent encore comme ils peuvent 47% de gosses.

Mais il faut condamner. Condamner le Hamas. Condamner le Hamas. Condamner le Hamas. Rappeler : où est le bien, le mal. S’autoproclamer du bon côté de l’histoire. Les vilains extrémistes sont coupables de tout. Pour le reste on s’en défend, et on se défend. Les dommages, on s’en carre le cul. Collatéraux, on dit. Pour celles et ceux qui cherchent la complexité, à sortir du totalitarisme binaire entre bien et mal, il n’y a pas de place. En France, en 2023, il faut condamner le Hamas et ne faire que ça. Belle énergie concentrée sur de la performativité. Le vent du néant humaniste souffle sur Gaza et ricoche sur nos sociétés malades d’orgueil.

Et moi, j’ai peur.

Samedi. Attentat islamiste à Paris. Horrible crime, une nouvelle fois. Mais l’on sait ce qui nous attend ensuite, alors que le cadavre de ce jeune homme de 23 ans est encore chaud. La rhétorique bien huilée des fachos se met en branle. L’accueil mène au terrorisme. L’immigré est le seul danger. Nous autres petits blancs sommes exempts de tout. Ce qui se passe à Gaza n’a pas de lien avec ici, l’humiliation continue des mondes musulmans et arabes n’a rien à voir avec tout ça. Mettons tous ces dangereux dehors. Enfermons-nous entre guignols : imaginez comme nous serons mieux ! La petite musique fait mouche, émotion, peur. On se réfugie dans l’idéologie fasciste comme des enfants de trois ans. On ferme les yeux sur les incohérences. On ferme les yeux sur les contradictions. On ferme les yeux sur l’humanité. L’humanité, oui, si on choisit. Si on trie. Si on hiérarchise. D’abord nous, les sachants, les civilisés, les éduqués. L’humanité, c’est la nôtre. D’abord nous, nos progrès inestimables, nos grosses têtes et nos grosses voitures. D’abord nous, les si navrants modestes, encore convaincus d’être à la pointe de l’évolution, alors même que tout s’effondre sous nos pieds et que dans nos systèmes absolument rien ne marche et ne va. Entre un problème immense, aux ramifications diverses et aux raisonnements de long terme, et une rapide histoire de civilisation, les trois quarts de la France choisissent le petit nettoyage ethnique en règle. Construisons des murs tiens, ils nous sauveront.

Dimanche. Les plateaux ridiculisent Mélenchon. Les « extrêmes » se rejoignent, c’est l’alarme ! Qu’ils sont mignons tous ces imbéciles, à beugler pendant qu’au-dessus de nos têtes les épées de Damoclès s’amoncellent. Sur une émission de service public, nos bourgeois préférés se vautrent dans la complaisance avec des rires gras, pendant que j’ai peur. Sur le plateau de Quelle Époque, 7 ou 8 invités posent à tour de rôle, avec un air de suffisance satisfaite, leurs questions rhétoriques à Jean-Luc Mélenchon (entendez : sa photo, car le bonhomme n’est évidemment pas là pour se défendre), qui ressemblent en vérité à un réquisitoire affligeant d’ignorance et de légèreté indécente. La bourgeoisie se marre, hasarde les comparaisons, balbutie que les zextrem se rejoignent.

Le même jour, après que Ruth Elkrief a menti sur son plateau, en agressant fortement Manuel Bompard (France Insoumise) et en insinuant que l’empathie de l’extrême-gauche envers les victimes israëliennes (toujours pas un mot sur Gaza) n’est pas assez forte, Jean-Luc Mélenchon écrit dans la foulée qu’elle est manipulatrice et qu’elle méprise les musulmans.

On crie au scandale, pour le ministre de l’Intérieur, on vient de coller « une cible dans le dos » de cette femme. Comprenez : Mélenchon est le chef des barbus. Ce tweet, quelle aubaine ! on pourra lui flanquer la responsabilité de n’importe quelle folie meurtrière et une fois de plus s’exonérer de toute introspection. D’ailleurs, passons donc la semaine à taper sur cet homme, alors que le monde s’effondre toujours autour de nous. Avec de grandes tapes dans le dos, redisons-nous à quel point nous faisons le bien contre le pire, et comme nous sommes utiles à notre époque d’abrutis.

Mardi. Marion Maréchal-Le Pen est l’invitée matinale de France Info, et affirme que la menace d’extrême-droite violente n’existe pas. Le Comité du Conseil de sécurité de l’ONU chargé de la lutte contre le terrorisme a fait état d’une augmentation de 320% du « terrorisme d’extrême droite » dans le monde depuis 2016. C’est la menace qui a le plus augmenté aujourd’hui dans notre pays.

Près de la moitié des arrestations menées dans le cadre de dossiers terroristes d’extrême droite en Europe, en 2021, l’ont été en France. Ce constat est tiré du dernier rapport d’Europol sur la situation et les tendances du terrorisme au sein de l’Union européenne (TE-SAT), publié mi-juillet. Un document qui confirme notamment que si le terrorisme jihadiste reste la principale menace, quoique moins virulente qu’au cours de la dernière décennie, les services de sécurité du Vieux Continent doivent désormais aussi faire face à celle que représentent les guerriers autoproclamés de la «race blanche». (Libération)

Et pendant qu’on discute des noirs et des arabes, de s’ils sont assez utiles pour travailler, de s’ils sont assez reconnaissants pour pouvoir rester, de s’ils ont assez humains pour pouvoir se loger, je continue d’avoir peur. J’ai peur parce que je sais, tous les jours, les menaces, les attaques, le recul interminable de celles et ceux qui se disaient nos allié·es sur les fondamentaux. Je sais tout cela par exemple :

            Il y a quelques temps, un camion fonce à pleine allure sur 15 exilé·es qui marchent au bord de la route, chassé·es de partout. Le camion en tue deux et prend la fuite. Écrasés, par un véhicule lancé sur eux. Silence des médias. Le mot que j’attends ne vient pas, ne tombe pas. « Attentat ». Non, certains ne méritent pas celui-là. On ne soupçonne jamais un attentat quand les pauvres meurent. Les pauvres sont morts mais sont aussi responsables de leur mort. Les gens qui viennent d’ailleurs sont des parasites et leurs morts ne pèsent même pas assez lourd pour imprimer sur le papier d’une Une.

            Il y a quelques temps, après la dissolution du groupe antifasciste de Lyon, (la GALE), une réunion publique sur la situation en Palestine est violemment attaquée par un groupe d’ultra droite armé, qui s’en prend pêle-mêle à des militants en train d’échanger et à des vieux venus tendre une oreille. Lyon est la ville la plus menacée par ces attaques. On a dissous son collectif antifasciste.

            Il y a quelques temps, un groupe d’ultra droite aussi, met le feu à la maison d’un maire. Il voulait loger des réfugié·es.

            Il y a quelques temps, le nom et l’adresse d’amis militants antiracistes est jeté en pâture dans des boucles Telegram d’extrême-droite et des menaces de mort s’ensuivent.

            Il y a quelques temps, le média StreetPress, s’il faut ne citer que lui, reçoit ce message : « un bon journaliste de StreetPress est un journaliste mort sur une civière ».

            Il y a quelques temps, j’apprends que 67 à 68% des policiers votent à l’extrême-droite (article de Libération en 2020). Ce sont eux qui quadrillent les quartiers populaires. Eux qui patrouillent. Eux qui gardent cette « paix » qui tue.

Mercredi. J’apprends que dans le Tarn, un maire trie les enfants dans les cantines. Tes parents travaillent ? Tu peux manger. Les tiens sont au chômage, tu passes après, et encore, s’il y a encore assez de nourriture pour toi. Le tri. Le tri des êtres humains, de plus en plus, et alors que la question des accaparements se posent pourtant à nous. Au lieu d’anticiper les solidarités nécessaires, nos élites apprennent tranquillement à jeter le bébé avec l’eau du bain, et à piétiner sous prétexte de les sauver, toutes les valeurs qui devraient nous servir de boussole. Que va-t-il nous arriver ?

Ranger dans l’extrême ou le terrorisme les gens qui ont choisi un camp ne fait pas de vous des bonnes personnes. Votre neutralité à deux balles est en train de tout laminer sur son passage. Votre statu quo paisible sonne le glas de millions d’entre nous. Votre inertie, votre indifférence, votre silence sont pire que les cris fascistes.

Pire : des dilemmes moraux nous attendent, et nous tapons sur ceux qui sont toujours restés droit. Je n’ai pas toujours été fan de Jean-Luc Mélenchon. Mais c’est le seul digne ici, ou quoi ? Faites mieux si vous avez tant envie d’autres figures, restez solides alors que le vent souffle si vous tenez à ce que sa parole se calme. Disons-le : Mélenchon est une digue, et vous aurez honte de vous être tant acharnés à la fracasser pour la forme et l’alibi. Les questions qu’il soulève et auxquelles, nous autres à l’ « extrême » gauche nous restons cramponnés, ne sont pas périphériques ou des sensibleries humanistes. Elles sont au cœur de tout. La question de l’organisation politique de la société par exemple, est une question à laquelle il faut répondre maintenant, avant que le bain médiatique nous entraîne dans l’épidermique et la surenchère fascisante. Quels principes nous dirigent ? Quels mécanismes nous protègent ? Quels sont les besoins de nos plus vulnérables ? Comment aider et mettre à l’abri des secousses celles et ceux que nous aimons pour continuer à les aimer ?

Cela passe-t-il par trier les êtres humains? Ceux qui auront accès à l’eau, c’est nous, les bien nés, les non-sauvages. Pour les autres, on expulse, on repousse, on frontière. Que vont-ils devenir ? On s’en fout. Ils ne sont pas nous. Ils sont Autres. Autres « migrants », « grands remplaçants », ils sont « la submersion », « les hordes », « les parasites ». Tant qu’on les nomme ainsi, tant qu’on oublie leurs prénoms et leurs histoires, qui pourrait se rappeler que nous leur devons humanité ? Si tout cela vous choque et vous horripile, sursautez. C’est dans votre silence et votre neutralité que s’installent les prémices de l’ignoble, si ce n’est l’ignominie elle-même.

            L’extrême-droite est en train de s’armer, politiquement, médiatiquement. Ses tactiques sont efficientes : un front présentable, pour les heures d’écoute, adossé à la violence sur un flanc qu’on peut qualifier de terroriste. La menace d’extrême-droite, d’ailleurs, pendant que celle de l’islamisme est en décrue, n’a jamais été aussi haute. La France est le pays le plus concerné d’Europe. Tiens donc. Qui pour nous en protéger ?

            Pas la gauche en tout cas, et encore moins ce centre mou du cirque politico-médiatique qui voit tout passer sous ses yeux et rigole. Trouve le temps de faire des blagues, et surtout de s’adonner à son petit jeu préféré : taper sur ces fameux zextrem. Quelle aubaine pour nos petits nazis préférés. Pas besoin de faire le boulot : les débiles de la technocratie, de la sacro-sainte neutralité et de la modération s’en chargent.

Les extrêmes se rejoignent ! Mais dites-nous où ! Dites-nous où !

Où se rejoignent-ils ? Où est la suprématie dans l’extrême-gauche ? La vénération dangereuse de l’ordre à tout prix? L’idéal de pureté suprême propre aux fascistes ? La violence du tri et de la hiérarchisation des êtres humains ?  La brutalité envers les personnes ?

Qui donc est menacé par l’extrême gauche ? Les vitrines ? Les Porsche ? La forturne mirobolante des 1% possédant 99% des richesses du globe ? Quand donc peut-on bien être « trop extrême » dans la solidarité et l’empathie ? Quand devient-on terroriste parce qu’on entend protéger la vie sur terre ? Quand sommes-nous dangereux quand nous parlons comme des êtres et pas comme des comptables ? Depuis quand dire que chaque vie compte est une menace ? De qui êtes-vous donc les idiots utiles, et avez-vous sincèrement intérêt à l’être?

Peut-on m’expliquer ce que fabriquent ces gens à dérouler le tapis rouge au pire pendant que toute la société se noie ? Ont-ils seulement honte ou la honte viendra-t-elle après, quand ils feront partie des décombres de l’Histoire, celle dont on sera liquéfiés de devoir raconter à quel point la passivité à son égard était forte, rampante, abjecte ?

Les bourgeois sont des bourgeois, leur rôle (fort probablement ils ne s’en aperçoivent même pas) est bien entendu de protéger le statu quo qui leur est favorable. Les nazis avancent les pions de leur idéologie et le font bien.

Les autres, que faites-vous ?

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Le fascisme est un système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme et totalitarisme au nom d’un idéal collectif suprême.

Fascisation, action de fasciser : Introduire des méthodes fascistes ou inspirées du fascisme dans un régime, une organisation.

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